Raïkkönen : sur la route du record de Schumacher

Le retour en F1 de Kimi Räikkönen après deux saisons en WRC avait soulevé quelques interrogations. Échaudés par un retour en demi teinte deux ans plus tôt du Kaiser Michael Schumacher après trois ans d'absence et par une parenthèse en rallye ponctuée de plusieurs sorties de route en dépit d'une vitesse saluée par ses pairs, ils n'étaient pas nombreux à croire au retour du Finlandais volant en Formule 1.

Son retour sur piste avait suscité divers commentaires mitigés de ses anciens collègues illustrant cette parenthèse mi-figue mi-raisin, à l'instar de son compatriote Hirvonen : « ils [NDLR : les ingénieurs Citroën de Räikkönen] m'ont dit qu'il faisait partie des pilotes les plus rapides. Ses problèmes ne concernaient pas son coup de volant mais plutôt sa prise de notes. Il aurait dû continuer en WRC. », ou du nonuple champion du monde WRC Sébastien Loeb : « Kimi a tout de suite été très rapide, mais a plafonné par la suite ».

Pour ne rien arranger, il revenait en F1 au sein d'une écurie qui venait tout juste de redevenir indépendante à l'aube de la saison 2012 après avoir perdu l'année précédente dans un terrible accident de rallye son pilote vedette, le polonais Robert Kubica. Bien que dotée d'une monoplace prometteuse lors des essais hivernaux de 2012, l'écurie gardait en mémoire les atermoiements des douze derniers mois, à payer le prix du pari audacieux des échappements inversés débouchant à l'avant des pontons.

Et pourtant, après deux arrivées dans les points sur les deux premières manches et une arrivée hors des points en Chine (trahi par ses pneumatiques en fin de course), il n'a alors plus quitté les points depuis 23 Grand Prix, au point d'être en passe d'égaler dès ce week-end à Montréal le record de Schumacher de 24 arrivées consécutives dans les points. Sur ces mêmes 23 Grand Prix, il aura marqué 277 points, le classant alors troisième devant Vettel (360), Alonso (319), et devançant respectivement Hamilton et Button de 70 points et 107. S'il n'a pas forcément autant attiré l'attention des projecteurs que le duo fratricide Vettel/Alonso, cette statistique montre pourtant la régularité et la performance du Finlandais le moins loquace du plateau.

En son temps, Michael Schumacher avait réalisé cette série de 24 arrivées dans les points à cheval sur trois saisons (alors plus courtes) entre les GP de Hongrie 2001 et de Malaise 2003. L'exploit du Baron Rouge reste tout de même respectable puisqu'à l'époque, les six premiers seulement marquaient des points quand ils sont aujourd'hui, depuis le retour d'Iceman, dix à le faire. Pour la petite histoire, si le Finlandais avait justement fait son retour avec un barème similaire à "l'ère" Schumacher, il n'aurait pour meilleure "suite" qu'une série de neuf arrivées consécutives dans les points, entre les GP d'Europe et de Corée 2012.

Pour en arriver à ce score de 23, agrémenté d'une inattendue (quoique déclarée comme objectif majeur de la saison par Eric Boullier) victoire à Abu Dhabi en 2012 puis une autre plus attendue à Melbourne 2013, Räikkönen aura dû s'employer, et ce, pas plus tard que le week-end dernier à Monaco ! Lorsque son accrochage à la "Nouvelle Chicane" à la sortie du tunnel avec Sergio Perez dans le 69e tour alors qu'il est cinquième provoque la crevaison de son pneu arrière gauche, il se voit faire un arrêt forcé pour changement de pneumatiques qui le verra ressortir de la voie des stands en seizième position à 10 tours de l'arrivée. Il parviendra à franchir la ligne d'arrivée en dixième position, lui offrant de justesse le dernier point disponible.

Si d'aucun jugerait facile de doubler en fin de course cinq concurrents (Chilton, Van der Garde, Gutiérrez, Bottas et Hülkenberg) avec des pneus frais, (bien que ses basses vitesses rendent le circuit de Monaco relativement doux pour les pneumatiques), n'oublions pas la mésaventure de David Coulthard en 2001 sur le tourniquet monégasque. L'Ecossais buta 35 tours durant en contre la modeste Arrows d'Enrique Bernoldi sans trouver la faille alors qu'il venait de faire la 12e pole de sa carrière la veille avec une McLaren qui avait rendu près de quatre secondes à l'Arrows !

L'homme de glace peut-il faire une bonne performance cette année à Montréal ? Parti 12e sur la grille l'an dernier à cause de qualifications gâchées par des problèmes hydrauliques et de grosses difficultés à tirer parti des pneus super-soft, il avait tout de même réussi à gagner 4 places en course tandis que son coéquipier Romain Grosjean finissait 2e après s'être élancé 7e. On peut donc présager que le taciturne sociétaire de l'écurie Lotus F1 Team a de bons arguments à faire valoir pour réaliser un bon week-end sur les terres de feu Gilles Villeneuve, d'autant qu'en se qualifiant 9e au terme d'une séance de qualifications humides, il peut, avec sa Lotus F1 très économe et toujours plus performante en course qu'en qualifications égaler le prestigieux record de Schumacher.