Räikkönen chez Ferrari, un mauvais choix ?

Le transfert de Kimi Räikkönen chez Ferrari est incontestablement l’évènement de cette fin d’été en Formule 1. Le Finlandais, de retour à Maranello l’année prochaine, après une première expérience plutôt réussie entre 2007 et 2009, fait allègrement parler de lui. Autour de la table des débats, les avis divergent. Par exemple, pour Cesare Fiorio, 74 ans, directeur de l’écurie Ferrari entre 1989 et 1990, estime qu’il ne s’agit pas d’un recrutement judicieux.

« Je ne suis pas un fan de la nouvelle signature. J’admire son talent, mais je ne suis pas en accord avec son style de vie et son approche technique. Je ne l’aurais pas choisi. Il ne vit pas comme un athlète et pour être un champion en F1, le talent ne suffit pas, » a-t-il ainsi déclaré à nos confrères italiens de la Gazzetta dello Sport. « A mon avis, c’est un choix conservateur. Je serais parti sur un pilote prometteur plutôt que sur un qui est au crépuscule de sa carrière. »

Autre sujet de discorde, l’apport technique d’Iceman. C. Fiorio ne sait pas « à quel point il peut apporter techniquement. » Stefano Domenicali, l’actuel directeur de la Scuderia, n’a pour sa part aucun doute : « En ce qui concerne le côté technique des choses, non seulement nous savons très bien combien Kimi peut apporter sa contribution à un moment important comme celui-ci, où le cadre technique change aussi significativement, mais nous avons des informations de tout premier ordre venant de James Allison [directeur technique de Lotus qui a rejoint Ferrari en cours de saison, ndlr], sur combien le Finlandais a aussi progressé dans ce domaine durant les deux dernières années. »

« Nous avons travaillé avec Kimi pendant trois ans entre 2007 et 2009 et nous n’avons jamais eu de problèmes. Bien sûr, tout le monde fonctionne à sa façon et vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’un Finlandais raconte des blagues en italien ou fasse le clown ! » a-t-il admis. « Honnêtement, je pense que la combinaison entre le caractère latin expressif et passionné de Fernando et le style cool, pour appeler ça comme ça, de quelqu’un comme Kimi semble plaire à beaucoup, y compris aux jeunes, et nos partenaires sont également en accord avec cela. »

Deux champions du monde dans la même équipe, qui plus est chez Ferrari, peu encline à placer deux coqs dans la même basse-cour, cela questionne les observateurs. Pour Cesare Fiorio, qui a eu à gérer Alain Prost et Nigel Mansell en 1990, le champion du monde 2005 et 2006 n’est pas forcément contre l’arrivée de K. Räikkönen : « A mon avis, Alonso est heureux : son mérite sera plus grand en le battant. » Pour lui, la cohabitation se passera bien : « Je ne vois aucun problème. Dans tous les cas, le nouveau duo sera le plus fort en 2014 : le duo Mercedes est proche, mais Rosberg est très irrégulier, il fait des choses exceptionnelles puis après il disparaît. »

Un avis partagé par Stefano Domenicali : « Concernant la Dream Team, je n’ai pas l’habitude de rêver les yeux grands ouverts, car ce n’est pas dans ma nature de le faire. Je dirais seulement que la combinaison de Fernando et de Kimi est la meilleure possible en Formule 1 aujourd’hui, en termes de talent, d’expérience, d’esprit de compétition et de capacité à développer la voiture. »

Malgré tout, la somme des intérêts et des talents individuels restera, quoiqu’il arrive, inférieure à l’intérêt de l’écurie : « Rien ne va changer dans la manière de fonctionner de l’équipe. Depuis que le monde est monde, nos pilotes sont toujours partis à égalité. Ça a toujours été comme ça et ça le sera toujours, » affirme S. Domenicali. L’égalité oui, mais jusqu’à un certain point : « Après, au cours de la saison, si la situation est telle qu’un pilote peut aider l’autre par rapport au classement, il est logique et bon que cela puisse se passer. C’est arrivé dans le passé et ça arrivera dans le futur, comme tous les pilotes qui ont piloté une Ferrari l’ont montré. »

Pour Martin Brundle, ancien pilote dans les années 1980 et 1990 et consultant pour Sky Sports, tout ne se passera pas comme sur des roulettes : « Je ne pense pas [que] Alonso sera très heureux de voir Räikkönen [arriver]. [Ce dernier] fera son petit bonhomme de chemin. S’il entend un message radio « Fernando est plus rapide que toi », Kimi Räikkönen ne s’écartera pas du chemin. Il répondra : « Alors pourquoi il est derrière moi, s’il est plus rapide ?... » et quelques jurons. Il va certainement mettre Alonso sur ses gardes. Ça sera la paire la plus forte en Formule 1. »

Là encore, Stefano Domenicali tient à tempérer les mauvaises langues : « Ça revient à penser que des supporters de football qui ont peur d’une équipe rivale parce qu’ils ont tellement de bons attaquants en viennent à espérer qu’ils se bagarreront entre eux pour avoir la balle… Pour tous ceux qui pensent que le choix de Kimi est, en quelque sorte, un choix ‘’anti-Alonso’’, je peux les rassurer : chez Ferrari, tout le monde sait que les intérêts de l’équipe passent en premier. […] Fernando est un atout majeur pour cette équipe et il le sera pour longtemps. Je suis sûr qu’il est le premier heureux des choix effectués pour renforcer l’écurie, parce qu’il est trop intelligent pour ne pas comprendre qu’un team plus fort est un avantage. »