Exclusif - En immersion avec un commissaire de piste à Monaco
La Formule 1 ce n'est pas que des pilotes et des monoplaces. C'est aussi des hommes et des femmes présents en bord de piste pour assurer la sécurité sur le circuit ! Pour vous, Motors Inside a rencontré un commissaire de piste lors du dernier Grand Prix de Monaco !

Rédigé pPar
Thibaud Comparot
Le 08/06/2021 à 14:22, archivé

Peux-tu te présenter ? quel Âge as-tu et que fais-tu dans la vie ?
« Je m’appelle Pierre Gabriel, j’ai 24 ans et j’habite dans les Alpes-Maritimes. Je travaille dans le marketing mais je suis aussi commissaire de piste à Monaco depuis 2019. »
On imagine que tu es un fan de sport automobile, d’où te vient cette passion ?
« J’ai découvert la F1 alors que je jouais au foot dans un village au-dessus de Monaco. Le bruit m’a attiré et j’ai demandé à mes parents d’où venait ce vacarme. Avant cela j’avais bien évidemment déjà un peu regardé la F1, mais ça a vraiment débuté en 2016/2017.
Pour moi la révélation a été le jour où je me suis rendu au Grand Prix de France 2018, car mes places en tribunes se situaient juste en face d’un poste de commissaire. Tout de suite je me suis dit « c’est trop bien de faire ça, je veux être encore plus proche des F1 ! » En rentrant je me suis tout de suite renseigné et j’ai vu que je pouvais prétendre à être commissaire de piste à Monaco. »
Comment devient-on commissaire de piste à Monaco ? Vous êtes considéré comme l’élite en Formule 1...
« La première règle et pas des moindres est celle de résider à Monaco où dans une région limitrophe et elle élimine déjà beaucoup de candidats ! Après il faut remplir une série de papiers et participer à une formation de 2 jours qui est obligatoire pour devenir commissaire de piste. Pendant cette formation, on nous entraine à toutes les situations. La première est de savoir comment bien sauter par-dessus un rail. »
« On nous apprend aussi à dégager une voiture accidentée, éteindre un feu provenant d’une monoplace essence ou d’une voiture électrique (comme lors de l'ePrix de Monaco, septième manche de la saison 2020-2021 de Formule E ).
On a également un cours sur les drapeaux, leurs significations et les situations dans lesquelles ils doivent être utilisés et enfin le dernier test qui est crucial, « l’atelier gazelle ». Cet atelier est un parcours d’obstacles que l’on doit franchir dans un temps imparti, d’où l’importance d’avoir une bonne condition physique. »
La fonction de commissaire de piste est-elle réservée aux hommes ?
« Non pas du tout ! Les femmes sont aussi présentes et largement représentées comme commissaires de piste, ce n’est pas réservé qu’aux hommes et d’ailleurs notre chef des signaleurs (drapeau) est une femme. »
Combien étiez-vous à votre poste et sur la piste et quelles sont les missions de chacun ?
« Mon poste pour le Grand Prix de Monaco était le numéro 14, dans la première partie des esses de la Piscine. Nous étions 16, plus que sur d’autres postes car notre virage est un endroit sensible sur le circuit, les monoplaces arrivent vite et les accidents sont fréquents.
Il existe différentes affectations dans la fonction de commissaire, nous avions les signaleurs, 7 personnes pour les interventions en piste, 1 chef de poste, 2 commissaires dédiés aux incendies, un médecin, un réanimateur et enfin un juge de fait.
Ce dernier est présent à notre poste pour juger des limites de piste. Alors oui à Monaco les limites de piste c’est le rail, mais dans notre chicane il y a la possibilité de mordre le vibreur et de prendre un avantage. Il est donc là pour informer la direction de course sur le non-respect des limites de piste. »
« Je suis préposé aux drapeaux bleus et aux drapeaux blancs et pour moi il n’y a pas de meilleur poste, on reçoit tous les messages de la direction de course, on a vraiment l’impression de faire partie de la course. »
Raconte-nous un peu ton Grand Prix vu du bord de piste, quel a été pour toi le moment marquant du week-end où des autres courses que tu as déjà vécu ?
« (ndlr : rires) Alors mon meilleur moment de ce weekend de course n’est pas banal et il n’arrive pas régulièrement : pendant la course j’ai mis un drapeau bleu à Lewis Hamilton ! J’avoue que je cherche à retrouver ce moment, vu de la caméra embarquée de Lewis. »
« Autre beau souvenir que j’ai à Monaco c’est lors de ma première année en 2019 où j’ai pu assister à la victoire d’Anthoine Hubert en F2 dont j’étais un très grand fan. Cette Marseillaise entendue en 2019 a eu un très bel écho cette année avec Théo Pourchaire qui lui aussi est monté sur la plus haute marche du podium en F2. J’apprécie beaucoup Théo car c’est un des seuls pilotes en F2 qui après chaque session ou course est venu nous saluer et nous remercier. »
Profite-t-on un peu des courses ou reste-t-on concentré sur sa mission de commissaire ?
« On peut suivre ce qui se passe en piste car à notre poste on a 3 écrans, mais on loupe forcément certains moments du Grand Prix. Ce qui m’a marqué c’est le moment où Charles Leclerc a tapé au virage 16 en qualifications on a vu que l’abordage du virage n’était pas le bon et le bruit qui s’en est suivi a confirmé notre impression, donc oui on est en pleine immersion lors d’un Grand Prix tout en devant assurer nos tâches de commissaire. »
« Ce qui est incroyable c’est qu’au fur et à mesure du weekend on arrive à savoir si une voiture ne passera pas le virage ! Comme les pilotes, on connaît parfaitement la trajectoire à prendre et on sait presque par avance quand on va devoir intervenir. En 2019 quand Pierre Gasly sort et tape le rail dans notre virage, on savait déjà que l’on allait devoir intervenir, il devait y avoir 50 centimètres de décalage avec la bonne trajectoire. »
Quelles sont les sensations quand on est aussi proche d’une Formule 1 ?
« Il faut savoir qu’on est au maximum à deux mètres de la monoplace qui passe à 220 km/h. Seul le rail nous sépare, on est si proche qu’on arrive même à voir à l’intérieur des voitures. Ce qui est impressionnant à notre poste c’est qu’un court instant, les monoplaces nous font face et changent de trajectoire au dernier moment. Après bien évidemment je dirais que le bruit est monumental, moins en F1 avec les moteurs hybrides, qu’avec les F2 ou les Porsche. »
« On ressent aussi le vent que déplace une monoplace, l’odeur de l’essence et des pneus, sensation qui est décuplée quand on est aussi proche de la piste car on reçoit en permanence des débris de gommes sur la visière de notre casque et enfin les vibrations dans le sol ! »
Le Grand prix de Monaco est réputé comme étant l’un des plus difficiles pour les pilotes, mais pour les commissaires de piste ce doit être aussi stressant et dur, il faut être prêt à n’importe quel moment !
« C’est sûr, on est toujours prêt à réagir et on aimerait parfois avoir encore plus d’action en piste. Je vais toujours sur le circuit avec mon poncho en espérant voir la pluie arriver ! »
« Il faut être concentré au maximum, car ma mission est d’avertir les retardataires de l’arrivée des leaders, il ne faut pas se tromper et il faut réagir extrêmement vite pour ne rien louper. »
« Notre secteur est en plus un point crucial du circuit car les pilotes peuvent s’écarter à différents endroits pour laisser passer un pilote qui est sur un tour rapide, à ce moment-là je dois tout de suite agiter le drapeau blanc au pilote qui rattrape la voiture lente. »
Est-ce que ta perception de la F1 a changé depuis que tu es commissaire de piste ? On le sait, c’est une fonction à risque, as-tu déjà eu peur où on oublie dès qu’on enfile le casque ?
« Il n’y a pas de peur mais plus de l’appréhension, on fait confiance aux pilotes qui font partie de l’élite du sport auto, l’Automobile Club de Monaco ne nous rappelle constamment qu’en tant que commissaire de piste nous ne sommes pas des héros. On ne se mettra jamais en danger, on doit rester sérieux et réfléchir avant d’agir. »
« Mais il ne faut pas se voiler la face, la première fois qu’une F1 est arrivée dans mon virage, c’était l’Alfa Romeo de Kimi Raikkonen, par réflexe j’ai fait un pas en arrière, leur vitesse d’entrée en virage est incroyable comparée au F2 ou les autres formules de promotion. »
« La seule barrière que je me suis fixée c’est que je ne rentrerais pas sur la piste, ceux qui le font nous disent qu’ils ne voient pas les autres monoplaces car ils sont concentrés sur leur mission de nettoyer la piste, mais je préfère rester à mon poste de signaleurs derrière le grillage et le rail de sécurité. »
On imagine bien que tu ne laisseras ta place de commissaire de piste à personne, mais quel conseil pourrais-tu donner à quelqu’un qui aimerait devenir commissaire ?
« (Rire) Alors prendre ma place, c’est non ! Mais on est plus de 600 sur le circuit lors d’un week-end de course et il y a du roulement. Être commissaire de piste c’est être au plus proche des F1 et c’est aussi la possibilité d’accéder à des endroits exclusifs. Alors oui je suis encore jeune mais je pense que c’est surement déjà la plus belle expérience dans ma vie ! »
« Le slogan des commissaires de piste à Monaco c'est « osez et servir », alors osez et rejoignez cette belle et grande famille ! »
Motors Inside te remercie grandement pour cette interview, et nous tenons à féliciter tous les commissaires de piste, souvent dans l'ombre mais essentiels à la bonne tenue des courses.
« Je m’appelle Pierre Gabriel, j’ai 24 ans et j’habite dans les Alpes-Maritimes. Je travaille dans le marketing mais je suis aussi commissaire de piste à Monaco depuis 2019. »
On imagine que tu es un fan de sport automobile, d’où te vient cette passion ?
« J’ai découvert la F1 alors que je jouais au foot dans un village au-dessus de Monaco. Le bruit m’a attiré et j’ai demandé à mes parents d’où venait ce vacarme. Avant cela j’avais bien évidemment déjà un peu regardé la F1, mais ça a vraiment débuté en 2016/2017.
Pour moi la révélation a été le jour où je me suis rendu au Grand Prix de France 2018, car mes places en tribunes se situaient juste en face d’un poste de commissaire. Tout de suite je me suis dit « c’est trop bien de faire ça, je veux être encore plus proche des F1 ! » En rentrant je me suis tout de suite renseigné et j’ai vu que je pouvais prétendre à être commissaire de piste à Monaco. »
Comment devient-on commissaire de piste à Monaco ? Vous êtes considéré comme l’élite en Formule 1...
« La première règle et pas des moindres est celle de résider à Monaco où dans une région limitrophe et elle élimine déjà beaucoup de candidats ! Après il faut remplir une série de papiers et participer à une formation de 2 jours qui est obligatoire pour devenir commissaire de piste. Pendant cette formation, on nous entraine à toutes les situations. La première est de savoir comment bien sauter par-dessus un rail. »
« On nous apprend aussi à dégager une voiture accidentée, éteindre un feu provenant d’une monoplace essence ou d’une voiture électrique (comme lors de l'ePrix de Monaco, septième manche de la saison 2020-2021 de Formule E ).
On a également un cours sur les drapeaux, leurs significations et les situations dans lesquelles ils doivent être utilisés et enfin le dernier test qui est crucial, « l’atelier gazelle ». Cet atelier est un parcours d’obstacles que l’on doit franchir dans un temps imparti, d’où l’importance d’avoir une bonne condition physique. »
La fonction de commissaire de piste est-elle réservée aux hommes ?
« Non pas du tout ! Les femmes sont aussi présentes et largement représentées comme commissaires de piste, ce n’est pas réservé qu’aux hommes et d’ailleurs notre chef des signaleurs (drapeau) est une femme. »
Combien étiez-vous à votre poste et sur la piste et quelles sont les missions de chacun ?
« Mon poste pour le Grand Prix de Monaco était le numéro 14, dans la première partie des esses de la Piscine. Nous étions 16, plus que sur d’autres postes car notre virage est un endroit sensible sur le circuit, les monoplaces arrivent vite et les accidents sont fréquents.
Il existe différentes affectations dans la fonction de commissaire, nous avions les signaleurs, 7 personnes pour les interventions en piste, 1 chef de poste, 2 commissaires dédiés aux incendies, un médecin, un réanimateur et enfin un juge de fait.
Ce dernier est présent à notre poste pour juger des limites de piste. Alors oui à Monaco les limites de piste c’est le rail, mais dans notre chicane il y a la possibilité de mordre le vibreur et de prendre un avantage. Il est donc là pour informer la direction de course sur le non-respect des limites de piste. »
« Je suis préposé aux drapeaux bleus et aux drapeaux blancs et pour moi il n’y a pas de meilleur poste, on reçoit tous les messages de la direction de course, on a vraiment l’impression de faire partie de la course. »
« J'ai mis un drapeau bleu à Lewis Hamilton ! »
Raconte-nous un peu ton Grand Prix vu du bord de piste, quel a été pour toi le moment marquant du week-end où des autres courses que tu as déjà vécu ?
« (ndlr : rires) Alors mon meilleur moment de ce weekend de course n’est pas banal et il n’arrive pas régulièrement : pendant la course j’ai mis un drapeau bleu à Lewis Hamilton ! J’avoue que je cherche à retrouver ce moment, vu de la caméra embarquée de Lewis. »
« Autre beau souvenir que j’ai à Monaco c’est lors de ma première année en 2019 où j’ai pu assister à la victoire d’Anthoine Hubert en F2 dont j’étais un très grand fan. Cette Marseillaise entendue en 2019 a eu un très bel écho cette année avec Théo Pourchaire qui lui aussi est monté sur la plus haute marche du podium en F2. J’apprécie beaucoup Théo car c’est un des seuls pilotes en F2 qui après chaque session ou course est venu nous saluer et nous remercier. »
Profite-t-on un peu des courses ou reste-t-on concentré sur sa mission de commissaire ?
« On peut suivre ce qui se passe en piste car à notre poste on a 3 écrans, mais on loupe forcément certains moments du Grand Prix. Ce qui m’a marqué c’est le moment où Charles Leclerc a tapé au virage 16 en qualifications on a vu que l’abordage du virage n’était pas le bon et le bruit qui s’en est suivi a confirmé notre impression, donc oui on est en pleine immersion lors d’un Grand Prix tout en devant assurer nos tâches de commissaire. »
« Ce qui est incroyable c’est qu’au fur et à mesure du weekend on arrive à savoir si une voiture ne passera pas le virage ! Comme les pilotes, on connaît parfaitement la trajectoire à prendre et on sait presque par avance quand on va devoir intervenir. En 2019 quand Pierre Gasly sort et tape le rail dans notre virage, on savait déjà que l’on allait devoir intervenir, il devait y avoir 50 centimètres de décalage avec la bonne trajectoire. »
Quelles sont les sensations quand on est aussi proche d’une Formule 1 ?
« Il faut savoir qu’on est au maximum à deux mètres de la monoplace qui passe à 220 km/h. Seul le rail nous sépare, on est si proche qu’on arrive même à voir à l’intérieur des voitures. Ce qui est impressionnant à notre poste c’est qu’un court instant, les monoplaces nous font face et changent de trajectoire au dernier moment. Après bien évidemment je dirais que le bruit est monumental, moins en F1 avec les moteurs hybrides, qu’avec les F2 ou les Porsche. »
« On ressent aussi le vent que déplace une monoplace, l’odeur de l’essence et des pneus, sensation qui est décuplée quand on est aussi proche de la piste car on reçoit en permanence des débris de gommes sur la visière de notre casque et enfin les vibrations dans le sol ! »
Le Grand prix de Monaco est réputé comme étant l’un des plus difficiles pour les pilotes, mais pour les commissaires de piste ce doit être aussi stressant et dur, il faut être prêt à n’importe quel moment !
« C’est sûr, on est toujours prêt à réagir et on aimerait parfois avoir encore plus d’action en piste. Je vais toujours sur le circuit avec mon poncho en espérant voir la pluie arriver ! »
« Il faut être concentré au maximum, car ma mission est d’avertir les retardataires de l’arrivée des leaders, il ne faut pas se tromper et il faut réagir extrêmement vite pour ne rien louper. »
« Notre secteur est en plus un point crucial du circuit car les pilotes peuvent s’écarter à différents endroits pour laisser passer un pilote qui est sur un tour rapide, à ce moment-là je dois tout de suite agiter le drapeau blanc au pilote qui rattrape la voiture lente. »
Est-ce que ta perception de la F1 a changé depuis que tu es commissaire de piste ? On le sait, c’est une fonction à risque, as-tu déjà eu peur où on oublie dès qu’on enfile le casque ?
« Il n’y a pas de peur mais plus de l’appréhension, on fait confiance aux pilotes qui font partie de l’élite du sport auto, l’Automobile Club de Monaco ne nous rappelle constamment qu’en tant que commissaire de piste nous ne sommes pas des héros. On ne se mettra jamais en danger, on doit rester sérieux et réfléchir avant d’agir. »
« Mais il ne faut pas se voiler la face, la première fois qu’une F1 est arrivée dans mon virage, c’était l’Alfa Romeo de Kimi Raikkonen, par réflexe j’ai fait un pas en arrière, leur vitesse d’entrée en virage est incroyable comparée au F2 ou les autres formules de promotion. »
« La seule barrière que je me suis fixée c’est que je ne rentrerais pas sur la piste, ceux qui le font nous disent qu’ils ne voient pas les autres monoplaces car ils sont concentrés sur leur mission de nettoyer la piste, mais je préfère rester à mon poste de signaleurs derrière le grillage et le rail de sécurité. »
On imagine bien que tu ne laisseras ta place de commissaire de piste à personne, mais quel conseil pourrais-tu donner à quelqu’un qui aimerait devenir commissaire ?
« (Rire) Alors prendre ma place, c’est non ! Mais on est plus de 600 sur le circuit lors d’un week-end de course et il y a du roulement. Être commissaire de piste c’est être au plus proche des F1 et c’est aussi la possibilité d’accéder à des endroits exclusifs. Alors oui je suis encore jeune mais je pense que c’est surement déjà la plus belle expérience dans ma vie ! »
« Le slogan des commissaires de piste à Monaco c'est « osez et servir », alors osez et rejoignez cette belle et grande famille ! »
Motors Inside te remercie grandement pour cette interview, et nous tenons à féliciter tous les commissaires de piste, souvent dans l'ombre mais essentiels à la bonne tenue des courses.