Graham Hill au volant de la Lotus 49B à moteur Ford-Cosworth au Grand Prix de Monaco 1968
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Ford et la Formule 1, divine idylle

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© Lotus. Graham Hill au volant de la Lotus 49B à moteur Ford-Cosworth au Grand Prix de Monaco 1968
Bien qu’en difficulté lors de son dernier passage dans la catégorie reine du sport automobile, le constructeur américain Ford a laissé une trace indélébile dans l’histoire de la F1. Retour sur le parcours de la marque à l’ovale bleu, à l’heure où le géant de Détroit s’apprête à faire son retour en Grand Prix.

Une présence indissociable du nom Cosworth



Présent en Formule 1 dès la saison 1963, l’aventure de Ford en Formule 1 connait un véritable tournant à partir de 1966. Sous l’impulsion de Colin Chapman, fondateur emblématique de la marque Lotus, Ford choisit de s’associer avec Cosworth pour mettre au point des moteurs de Formule 1. Entreprise anglaise créée en 1958 par deux anciens mécaniciens de Lotus, Mike Costin et Keith Duckworth (d’où le nom de la société), Cosworth a su se forger une petite réputation dans la préparation de moteurs de Formule 2 et de Formule 3.

En proie à des soucis de fiabilité avec ses moteurs Climax, Chapman réussit à convaincre ses deux anciens partenaires à le suivre dans l’aventure F1. Ford décide alors de débloquer les 100 000 livres sterling dont Costin et Duckworth ont besoin pour concevoir leur premier moteur de Formule 1. Né alors le V8 Cosworth DFV, l’un des moteurs les plus victorieux de l’histoire de la F1.

A la fois puissant, souple, fiable et rapide, le moteur V8 Cosworth DFV (Double Four Valve, quatre soupapes par cylindres) montre rapidement ce dont il est capable et de plus en plus d’équipes opte pour sa technologie. Dès son deuxième Grand Prix, le moteur de Costin et Duckworth remporte la victoire grâce à Jim Clark sur le circuit de Zandvoort aux Pays-Bas en 1967.

Jim Clark célèbre la première victoire d'un moteur Ford-Cosworth en F1 au volant de sa Lotus à Zandvoort en 1967
© Lotus / Jim Clark célèbre la première victoire d'un moteur Ford-Cosworth en F1 au volant de sa Lotus 49 à Zandvoort en 1967


Après une première saison où seule Lotus utilise ses moteurs, d’autres écuries font donc appel à Cosworth pour équiper leurs monoplaces. Matra, McLaren, Brabham, March, Tyrrell, Shadow, Hesketh, Penske, Williams, … Pendant une quinzaine d’années, c’est plus de la moitié de la grille qui est équipée du fameux V8 anglo-américain. Chaque écurie devant s’acquitter de la modique somme de 7500 livres sterling pour bénéficier de cette motorisation.

Comme un symbole, c’est à Détroit, pour le Grand Prix des Etats-Unis Est 1983, que le V8 Cosworth DFV remporte sa 155ème et dernière victoire en Formule 1. Au volant d’une Tyrrell, dont c’est aussi la dernière victoire en F1, Michele Alboreto mène un triplé Cosworth devant la Williams de Keke Rosberg et la McLaren de John Watson.

De 1967 à 1983, le Cosworth DFV permet à neuf pilotes de remporter un ou plusieurs championnats du monde (Graham Hill en 1968, Jackie Stewart en 1969, 1971 et 1973, Jochen Rindt en 1970, Emerson Fittipaldi en 1972 et 1974, James Hunt en 1976, Michael Andretti en 1978, Alan Jones en 1980, Nelson Piquet en 1981 et Keke Rosberg en 1982) et à cinq écuries d’être sacrées chez les constructeurs (Lotus en 1968, 1970, 1972, 1973 et 1978, Matra en 1969, Tyrrell en 1971, McLaren en 1974 et Williams en 1980 et 1981).

La Lotus 79 à moteur Ford-Cosworth de Mario Andretti, championne du monde en 1978
© Lotus / La Lotus 79 à moteur Ford-Cosworth de Mario Andretti, championne du monde en 1978


Quelques beaux restes avant un départ en catimini



La décennie 1980 rime avec l’essor des moteurs turbo en F1. N’ayant pas réussi à prendre le virage de cette nouvelle technologie, Cosworth perd petit à petit de son influence sur les grilles de départ.

Le moteur conçu dans les ateliers de Northampton connaît tout de même des victoires symboliques. C’est en effet à chaque fois une monoplace équipée d’un Cosworth qui remporte les Grand Prix du Japon 1989 (Alessandro Nannini sur Benetton) et 1990 (Nelson Piquet sur Benetton), lors desquels Alain Prost et Ayrton Senna s’accrochent et qui décident de l’attribution des titres mondiaux. C’est également un moteur Cosworth qui permet à Michael Schumacher de conquérir sa première victoire en F1, dans le châssis d’une Benetton au Grand Prix de Belgique 1992. Enfin, Ayrton Senna remporte au volant d’une McLaren-Cosworth à Donington en 1993, ce que certains observateurs considèrent comme sa plus belle victoire.

Il faut attendre le retour au moteur atmosphérique pour que l’association Ford-Cosworth se batte à nouveau pour des championnats. En 1994, au volant de la redoutable Benetton B194 conçue par Ross Brawn, Michael Schumacher remporte le premier de ses sept titres de champion du monde. Il s’agit alors du premier titre pour un pilote équipé d’un moteur Cosworth depuis Keke Rosberg sur Williams en 1982.

Michael Schumacher au volant de la Benetton-Ford B194 lors de la saison 1994
© Martin Lee / Michael Schumacher au volant de la Benetton-Ford B194 lors de la saison 1994


A l’issue de la saison 1994, Benetton décide de se tourner vers Renault pour la fourniture de ses moteurs. Cosworth n’équipant plus que des écuries de fond de peloton à partir de 1995. Que ce soit avec Pacific, Forti, Minardi ou Sauber, le moteur anglo-américain souffre de la comparaison d’avec ses concurrents, Renault, Ferrari et Mercedes. L’arrivée de l’écurie Stewart en 1997 lui redonne cependant des couleurs avec une deuxième place à Monaco pour Rubens Barrichello cette saison-là et surtout, un incroyable double podium au Grand Prix d’Europe 1999 avec la victoire pour Johnny Herbert et la troisième place pour le même Barrichello.

Désireuse de s’impliquer davantage en Formule 1, Ford décide de racheter l’écurie Stewart et de la rebaptiser Jaguar, marque qui appartenait au groupe américain. De 2000 à 2004, l’écurie connaît de grandes difficultés. Entre problèmes de fiabilité et processus de prises de décisions complexe (la Ford Motor Company voulant dicter la stratégie à l’équipe basée en Angleterre), Jaguar ne parvient jamais à s’extirper de la deuxième partie du peloton. En cinq saisons, l’écurie aux monoplaces vertes n’inscrit que 49 points et ne monte que sur deux podiums. L’histoire retient surtout que Jaguar a dessiné des livrées parmi les plus belles de l’histoire de la F1.

Une Jaguar F1 au Grand Prix de France historique en 2022
© Motors Inside / Une Jaguar F1 au Grand Prix de France historique en 2022


Fin 2004, l’équipe est finalement vendue au groupe Red Bull qui la renomme du nom de la marque autrichienne de boissons énergétiques à compter de la saison 2005, avec le succès que l’on connaît. Par la même occasion, Ford se désengage définitivement de Cosworth et met ainsi fin à près de quatre décennies de présence continue en F1. Le nom Cosworth perdure jusqu’en 2013 sans soutien d’un constructeur.

Parallèlement à son engagement avec Jaguar, Ford continue à fournir des moteurs à des écuries clientes. C’est notamment le cas avec Jordan qui remporte, grâce à Giancarlo Fisichella, le Grand Prix du Brésil disputé dans des conditions dantesques en 2003. Cette victoire est symbolique à plus d’un titre. Elle marque la 176ème et dernière victoire d’un moteur Ford-Cosworth en F1, en plus d’honorer le 200ème Grand Prix de Jordan dans la catégorie reine.

Des statistiques qui donnent le tournis



Ford-Cosworth se classe troisième au nombre de titres mondiaux pour un motoriste avec 10 couronnes, à égalité avec Mercedes et derrière Ferrari (16) et Renault (12). L’association anglo-américaine est parvenue à remporter 7 titres consécutivement entre 1968 et 1974, n’étant battue que par Mercedes et ses 8 succès consécutifs entre 2014 et 2021.

De 1967 à 2004, Ford-Cosworth a disputé 567 Grand Prix, soit le troisième plus grand total pour un motoriste après Ferrari (1054) et Renault (701). Pendant cette période, elle a remporté 176 victoires (31% de ses Grand Prix disputés), la première aux Pays-Bas en 1967, la dernière au Brésil en 2003, là aussi le troisième meilleur total pour un motoriste après Ferrari (243) et Mercedes (212).

Ford-Cosworth détient surtout les deux premières places au nombre de victoires consécutives. 22 entre les Grand Prix d’Autriche 1972 (Emerson Fittipaldi sur Lotus) et d’Afrique du Sud 1974 (Carlos Reutemann sur Brabham), et 20 entre les Grand Prix de Grande-Bretagne 1968 (Jo Siffert sur Lotus) et de Monaco 1970 (Jochen Rindt sur Lotus). En comparaison, Renault détient la troisième place de ce classement avec 16 victoires consécutives, suivi par Honda (11), puis Ferrari et Mercedes (10 chacune).

Pour ce qui est des pole positions, Ford-Cosworth se classe quatrième avec 139 positions de pointe (24,5%), derrière Ferrari (244), Mercedes (220) et Renault (213). C’est aussi derrière ce trio que l’on retrouve le motoriste de Northampton au niveau des meilleurs tours en course avec 159 unités contre 266 pour Ferrari, 199 pour Mercedes et 176 pour Renault.

A partir de 2026, Ford retrouvera les locaux Red Bull de Milton Keynes, 22 ans après les avoir quitté. Un moyen pour la marque à l’ovale bleu de poursuivre l’histoire entamée il y a près de 60 ans avec la F1, et une opportunité de retrouver le chemin du succès auprès d’une écurie qui connaît la recette pour arriver au sommet.

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