Décryptage des essais hivernaux en Formule 1 avec Jean Alesi

Les essais de pré-saison ne font pas l’unanimité. Certains veulent plus de journées de tests, d’autres trouvent que c’est presque devenu inutile. Selon Jean Alesi les essais ont bien changés par rapport à son époque. Ils ne servent plus vraiment à développer la voiture mais permettent de vérifier la corrélation entre travail à l’usine et roulage réel.

Les essais : un Grand Prix à blanc

« C'est un Grand Prix à blanc parce que les essais, avec les plafonds budgétaires, ça a été évidemment la première chose qui a été réduite parce que pendant les essais, non seulement ça coûte aux équipes mais bien sûr il y a aussi tout ce qui est matériel puisque avant il y avait beaucoup d'évolutions faites. Ils arrivaient avec des boîtes de vitesses, ils avaient beaucoup de choses apportées pour savoir si ça allait dans le bon sens ou pas. Les essais c'était des kilomètres de développement, aujourd'hui c'est plus du tout ça, c’est-à-dire que les voitures sont faites en amont, en usine avec des simulateurs et des souffleries et avec un système où la voiture est sur une balance et vous pouvez programmer le circuit de Susuka ou Bahreïn ou Abu Dhabi et puis la voiture bougera comme si elle était en piste. C’est tout un travail qui est fait pour optimiser l’auto. »

Les temps ont changés

« Aujourd'hui ils arrivent avec des voitures qui sont entre guillemets prêtes et ils font des contrôles ces jours-ci pour voir si les chiffres qu'ils ont correspondent à la réalité.
Ils ont ce qu'ils appellent les « birds cages », ils partent avec ces espèces de grandes cages. Ils contrôlent tout. Ce n’est pas du testing parce que nous c’était de la pure performance, eux c'est juste de savoir si 15 millimètres de hauteur de caisse à l'avant ça correspond à une aéro-balance qui est 47 % sur l'avant ou sur l'arrière par rapport à ce qu'ils ont en soufflerie.
Nous c'était que du feeling, c’est-à-dire qu'on avait une aile avant, modifiée pour donner plus d’appui et en général on roulait et on disait "je pense ça roule trop sur l'arrière ou ça donne beaucoup trop d’avant". »

Finalement, avant ce sont les pilotes qui se chargeaient du travail aujourd'hui effectué en CFD et en soufflerie ce qui, selon lui, prouve le talent de champions tel qu’Alain Prost ou Nikki Lauda.

« C’est pour ça qu'à notre époque on disait Alain Prost c'est un vrai metteur au point. Parce que c’était quelqu’un qui avait une sensibilité, pas seulement pour sentir mais pour dire "c'est sûr que c'est mieux mais ça, ça va détériorer autre chose". Son expérience et son feeling faisant qu’il mettait tout le temps les types dans la bonne direction. Lauda l’a fait aussi, encore plus en avant, je pense que tous les champions avaient ça, j'en suis sûr.
Il faut aussi un très bon ingénieur, les Adrian Newey des époques c’est-à-dire Gordon Murray, Colin Chapman, c'était des génies. Adrian Newey c'est un génie. Si demain on enlève toutes les restrictions qu'il y a, il fait une voiture qui met un tour à tout le monde. » 

Les essais hivernaux sont également l’occasion de faire venir Tv, journalistes et promoteurs : un meeting de rentrée en quelque sorte.

« Ils utilisent ces trois jours de test pour faire venir toutes les TV qui ont les droits, les journalistes et les promoteurs, qui sont les organisateurs de chaque Grand Prix. Il a le Mexique, le Canada... Ils parlent entre eux des problèmes, c’est un peu un meeting. L'année dernière il y avait le promoteur de la France qui malheureusement n'y est plus. »

Son regard sur les essais 2023

« Il n’a plus de secrets pour eux, [les équipes] dans le sens où ils connaissent la performance de la gomme, ils ont aussi des outils qui leurs permettent de savoir la vitesse des voitures, pas seulement dans les virages mais aussi en ligne droite, ils savent plus ou moins qui utilise le boost ou pas. Ils arrivent à calibrer le travail avec les autres équipes. Même si c’est un très gros travail, il est fait minutieusement aux usines respectives, donc ça ils contrôlent bien, mais les équipes sur place ont un tas de choses à passer en revue et à analyser.

L’équipe sur place analyse les données de performance et l'équipe à distance analyse les différences avec la concurrence. Quand le soir ils rentrent dans le briefing ils ont un rapport de la journée. Avec ça, ils arrivent à calibrer leurs programmes. »

A propos des tests de Red Bull…

« Par exemple Red Bull sont devant tout le monde comment savoir où ils en sont ? Justement hier ils ont fait 3 Grand Prix à blanc, ils ont 160 tours. Tu ne peux pas être vide 160 tour donc ils ont fait des simulations de Grand Prix. C’est très simple de savoir combien il faut d'essence. Il a des vrais moyens de calcul. Pour eux ce sont des programmes. »

Ses pronostiques concernant la saison d’Alpine

« On peut se faire des petites idées pour la Q3 mais même pas la Q2. Alpine n'a ni la position, ni la prétention de dire on joue le mondial. Eux ils ont été très courageux et je les félicite pour cela, d'avoir pris deux pilotes français qui sont certainement les deux meilleurs jeunes du paddock de la F1 parce qu'il ont chacun une victoire à leur actif. Esteban s'est fait tout le Grand Prix en tête. Gasly a eu un restart, il s'est battu comme un chien. Ils vont structurer ça comme il faut. Je vais dire, il faut qu'ils finissent au moins avec la même position que l'année dernière. »