Laurent Mekies : « Racing Bulls est une équipe sans emplacement fixe »
Le directeur de l'équipe Racing Bulls, Laurent Mekies, développe les avantages et les inconvénients du fonctionnement d'une écurie rattachée à Red Bull Racing. Basée à Faenza mais désormais également à Milton Keynes, Racing Bulls met en avant ses investissements financiers mais aussi en matière de ressources humaines. Des efforts qui paieront bientôt selon l'ingénieur français.


Dans une interview donnée à la branche italienne de Motorsport, Laurent Mekies, directeur de Racing Bulls, est revenu sur le développement de l'écurie : il y a un an, d'importants travaux ont été entrepris. « Nous avons investi dans notre nouveau siège à Milton Keynes ainsi qu'à Faenza, et nous avons beaucoup grandi », se félicite Mekies.
La particularité de Racing Bulls et ses conséquences
Racing Bulls est la seule écurie de la grille à être directement sous le giron d'une autre : Red Bull Racing. Et ce statut spécial donne des avantages mais aussi des inconvénients.
En ce qui concerne les avantages, Racing Bulls fait une importante économie en matière de ressources humaines mais aussi de développement des pièces. Une partie du travail est déjà commencé par Red Bull Racing.
« Les bénéfices sont clairs : nous n'avons pas besoin d'ajouter du personnel aux 650 employés que nous avons déjà, et nous n'avons pas à investir dans la recherche et le développement pour la boîte de vitesses et les suspensions. Un autre avantage est de recevoir des pièces conçues par une équipe de pointe, avec la certitude qu'un top team les réalise mieux que nous, qui ne sommes pas encore à ce niveau. » Il s'agit d'un boost non négligeable pour une écurie en plein développement.
En revanche, « il est difficile [...] de comprendre précisément comment et pourquoi certaines solutions ont été choisies. » Et c'est un paramètre important pour travailler sereinement, d'autant plus en Formule 1, où la précision est cruciale pour obtenir de bons résultats en course. « Mais du point de vue de Red Bull, il est logique que, lorsqu'on a deux équipes en Formule 1, on cherche à partager au moins les quelques pièces autorisées par le règlement. Il est compréhensible que cette approche soit préférable à l'embauche de cent personnes supplémentaires pour fabriquer des composants déjà conçus par une autre équipe », concède Mekies.
« C'est un processus complexe », insiste-t-il à propos du fonctionnement en parallèle de Red Bull Racing. Il met en avant les difficultés de communications qui peuvent survenir en raison de l'éloignement entre deux parties du personnel : « dans ce métier, tout repose sur les personnes et la communication entre elles, et cet aspect est difficile à gérer. Nous avons fait un choix important : ne pas localiser les départements dans une seule des deux installations, que ce soit l'aérodynamique, le design ou la production. Nous avons opté pour un modèle dans lequel chacun de ces départements a du personnel aussi bien à Faenza qu'à Milton Keynes. »
Donc, si la communication peut s'avérer ardue entre les équipes travaillant dans différents pays et au sein d'un même département, quel que soit le domaine d'expérience des employés, les employés peuvent en principe choisir sur quel site travailler.
Une plus grande liberté pour les employés
Parmi les avantages de ce mode de fonctionnement, la possibilité pour les employés de choisir entre l'Angleterre et l'Italie joue clairement en faveur de Racing Bulls au moment du recrutement, ou encore pour garder ses employés sur la durée.
« Nous avons appelé ce modèle "Location Free" et nous l'avons choisi pour une raison précise : la possibilité de recruter des talents aussi bien en Angleterre qu'en Italie. Nous avons cette opportunité, et pour la maximiser, nous l'avons étendue à tous les départements », rappelle Laurent Mekies. « Nous pouvons offrir à nos employés la possibilité de travailler soit en Italie, soit en Angleterre, ce qui nous aide également à conserver notre personnel ».
Le lien entre Red Bull Racing et Racing Bulls
Si ces deux écuries restent très liées, Laurent Mekies tient à mettre en avant l'indépendance relative de Racing Bulls.
« On parle souvent de notre collaboration avec Red Bull », constate-t-il. Pourtant, « Actuellement, VCARB compte 650 employés, avec des départements dédiés à l'étude et à la conception de toutes les composantes de la monoplace, à l'exception de la boîte de vitesses et des suspensions, que nous achetons à Red Bull. Le cœur de la voiture – l'aérodynamique, l'agencement et de nombreuses autres parties, comme le système de refroidissement – est conçu à Faenza ou dans notre centre en Angleterre. »
Dans leurs installations en effet, « des ingénieurs travaillent sur la simulation, la mécanique du véhicule, le carbone, l'aérodynamique, la dynamique de la monoplace, et cela signifie être un constructeur. »
Les décisions de la FIA concernant la flexibilité des ailerons
Pour Laurent Mekies, il est important de rappeler qu'il a « beaucoup de respect pour le travail effectué par la FIA, ce n'est jamais facile, ou peut-être même impossible, de trouver une solution qui convienne à tout le monde. »« C'est toujours un choix de compromis », insiste-t-il. Il en est d'autant plus conscient qu'il a lui-même travaillé au sein de la FIA, comme Directeur de la Sécurité et Directeur de Course adjoint.
Mais il explique que « en tant qu'équipe plus petite, ce n'est pas quelque chose qui nous aide beaucoup, car les équipes en bas du peloton ont tendance à construire leurs ailes avant en début d'année. » Il est donc un peu tard selon lui pour prendre des mesures, qui risqueraient de désavantager le développement des équipes de fin de grille. Car si la FIA a déjà durci la réglementation concernant les ailerons arrière, à partir du Grand Prix d'Espagne, la flexibilité des ailerons avant sera aussi surveillée minutieusement.
Malgré tout, Laurent Mekies explique être « content qu'il ait été fait quelque chose, il y avait une dérive qui devait être arrêtée. » Pour rappel, Red Bull Racing a reporté à la FIA des soupçons à ce sujet, des contrôles ont été effectués chez Ferrari et McLaren.
Bilan de sa première année comme directeur, objectifs pour le futur
Après plusieurs années chez Toro Rosso, Laurent Mekies a travaillé au sein de la FIA, puis il a rejoint la Scuderia Ferrari, qu'il a quittée en 2024 pour prendre la direction de l'écurie anciennement nommée Toro Rosso, Racing Bulls, a fin d'en prendre la direction. Il se dit très enthousiaste pour l'avenir de l'écurie. « Un an plus tard, je peux dire que le projet dont je fais partie est fantastique. La famille Red Bull te donne un vrai sentiment d'appartenance, mais en même temps, elle nous a offert une grande liberté de gestion. Nous n'avons aucune contrainte pour construire ce qu'ils nous ont demandé, à savoir une équipe capable de se positionner juste derrière les top teams. »
Malgré tous les « grands changements à la structure de l'équipe », Racing Bulls n'a pas encore atteint « la phase où tout ce travail se traduit en temps au tour. [...] Il nous faudra encore six à neuf mois pour que tous ces efforts se traduisent en performance », estime-t-il. Ces difficultés sont dues au fait que « le milieu de grille a fait de grands progrès ».
Il y a encore du travail pour cette « équipe sans emplacement fixe », mais les efforts vont payer, selon Laurent Mekies.