F1

Jacky Ickx sur sa complicité avec sa fille : « J'encourage ces moments parents-enfants »

Depuis quelques mois, Vanina Ickx a retrouvé un volant avec les Iron Dames. Son père, Jacky, revient sur ce come-back et les deux épreuves où il a partagé une voiture avec elle.

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Le Belge est revenu sur la complicité avec sa fille, Vanina Ickx. À 50 ans, elle a rejoint les Iron Dames.
© Overtake/Motors Inside / Le Belge est revenu sur la complicité avec sa fille, Vanina Ickx. À 50 ans, elle a rejoint les Iron Dames.

Difficile de l'arrêter. Comme à son habitude, Jacky Ickx est toujours bavard quand il s'agit de répondre à la presse. Retour sur les grands moments de sa carrière, la relation avec sa fille, Vanina, et sa vision de la sécurité dans les années 1970. Le Belge s'est confié sans langue de bois.

Passer de Cooper à Ferrari aussi rapidement, ça a dû être un changement important pour vous.

L'un des éléments déclencheurs a été mon troisième temps au Nürburgring avec la Formule 2. La vérité, c'est que cette performance a interpellé. Deux ans plus tôt, j'avais participé aux 86 Heures du Nürburgring, c'était une course qui remplaçait le Liège-Rome-Liège, c'était mythique. Cela représentait un défi, une certaine exigence et une endurance. Ça joue. J'avais obtenu un bon résultat.

Mais au-delà du troisième temps avec la Formule 2, c'est le point que j'ai marqué à Monza. Il y a aussi eu une satisfaction énorme en rencontrant Jochen Rindt, ça a été mon premier mentor en F1.

La réalité c'est que j'avais signé pour Ferrari en septembre, je crois, et personne ne le savait. Un jour, on m'a envoyé un journaliste pour voir si j'étais intéressé pour aller chez Ferrari. Je vous laisse deviner quelle était ma réponse.

Dans le documentaire « Quand les pilotes jouent avec la mort », la sécurité en F1 dans les années 1970 y était évoquée. On raconte que vous n'aviez pas la même vision des choses avec Jackie Stewart.

Ce n'est pas tout à fait ça. Nous avions le même but, qui était d'améliorer la sécurité et de réduire les risques. Mais là où nous n'étions pas d'accord, c'était sur la manière de procéder. De mon point de vue, il était inutile de vouloir faire grève en arrivant sur un Grand Prix et d'avoir des revendications à ce moment-là.

Pendant des années, nous avons laissé faire sans rien demander. L'arrivée des glissières et tout ce qui va avec, ça a pris du temps. Pour demander de telles choses aux circuits, il fallait le faire bien en amont. Il fallait faire un état des lieux assez tôt pour voir ce qu'il y avait à améliorer.

Le succès du sport automobile, c'est la sécurité.

J'ai grandi à une époque dans laquelle j'étais libre de rouler. On dit souvent que l'on était courageux, mais personne ne nous obligeait à courir. Juste, on aimait ça. Dans la vie, quand on veut quelque chose, il faut se donner à fond. Pour décrocher un titre, il faut s'y consacrer à plein temps. Il est difficile de s'éparpiller à droite, à gauche. Il faut aussi faire de bons choix et avoir de bonnes opportunités.

Regardez, Stoffel Vandoorne, il a tout gagné, c'est un bosseur fou. Il est arrivé chez McLaren en F1 et ça a été très dur, ça lui a miné le moral. Je ne veux pas parler pour lui, mais je pense que, mentalement, ça le marque encore. Aujourd'hui, il est chez Peugeot en WEC, c'est très bien, mais la voiture ne joue pas encore les premiers rôles. J'espère que ça va venir.

Il y a le cas Fernando Alonso qui est aussi intéressant. Il était à un point où, avec McLaren, ça n'allait plus. L'équipe lui a laissé la chance d'aller aux 500 miles d'Indianapolis, ce qui était son rêve. Les dirigeants ont fait preuve d'une certaine classe et de fair-play. Mais dans cette situation, c'était obligatoire. Cette pige à Indy, c'était du pain béni pour son moral.

Vous parlez de Jochen Rindt comme d'un mentor, mais il a aussi été un concurrent pour le titre.

Il avait une stature à cette époque. Il avait un sacré coup de volant. Il a fait des courses de tourisme, d'endurance. Il a gagné Le Mans quand même. Mais ce que je retiens surtout, c'est qu'il a été l'un de mes mentors.

Lors de plusieurs courses, vous portiez un casque original avec une protection en dur entre les yeux...

Avec l'évolution de la sécurité, on a vu apparaître des sortes de grillages en métal et des bardages métalliques dans les échappatoires. Ce casque Simpson, je le portais justement au cas où, pour éviter qu'un fil de fer ne me touche le visage.

Au Mans, il y a ce moment de légende où, au départ, vous êtes le seul à marcher alors que les autres courent pour rejoindre leur voiture.

On dit souvent que c'est grâce à moi qu'il n'y a plus de départ type Le Mans. Pour moi, il était inconcevable de prendre une voiture et de monter à plus de 300, 330 km/h sans être attaché. C'était aberrant. Car à l'époque, pour gagner du temps, les pilotes n'attachaient pas leur ceinture au départ.

Malheureusement, au premier tour, il y a eu un grave accident. John Woolfe a perdu la vie. Je ne sais pas si c'est parce qu'il n'avait pas attaché sa ceinture, mais ça a donné du sens à mon geste, ça m'a donné raison et les choses ont changé. Pour moi, c'est lui qui a fait changer les choses. Il fait partie de ces hommes qui ont eu un accident et qui ont fait bouger les lignes derrière.

Vous avez aussi participé à l'édition 1977 en conduisant deux voitures. Comment en êtes-vous arrivé à cette situation ?

Dans la première voiture, avec Henri Pescarolo, on a abandonné au bout de trois heures de course. Le règlement permettait d'être engagé en réserviste avec un autre équipage. J'ai donc continué avec une autre Porsche. Et on a gagné la course.

C'est peut-être un peu prétentieux, mais ce jour-là, j'ai vraiment bien piloté. Quand on est chasseur, c'est motivant, car tu es à l'affût. Le plus extraordinaire là-dedans, c'est que quand tu es motivé, sûr de toi, tu arrives à te surpasser. Et c'est un sentiment qui est transmissible à tes coéquipiers. En 1977, tout le monde s'est sublimé. D'une course perdue, tout le monde a commencé à y croire.

Votre fille, Vanina, a eu une grande carrière en sport automobile. Vous avez participé aux 24 Heures de Spa et au Dakar ensemble.

Vanina a fait des études de biologie et ce n'est que dans sa dernière année qu'elle a commencé le karting. Elle a été brillante, vraiment. Elle roulait bien et elle a continué dans cette voie.

On a partagé une Renault Mégane aux 24 Heures de Spa. On n'avait pas de bons freins. On n'avait pas les mêmes que l'autre voiture de l'équipe, donc on poussait, on poussait. Mais on a perdu un temps considérable. Malheureusement, Vanina est sortie de piste dans le Raidillon. Mais une chose est sûre, à l'époque, elle était déjà très rapide. Bien plus que moi.

Elle a aussi été ma copilote sur le Dakar. Personnellement, je n'aime pas trop que l'on me conduise vite (rires).

Surtout, j'encourage ces moments parents-enfants. Ce sont des moments magiques. Ça en vaut la peine. Toutes ces expériences permettent d'avoir une proximité folle.

Vous avez évoqué la « peur constante » de vos parents, chaque week-end, quand vous pilotiez. Avez-vous ressenti la même chose avec Vanina ?

Tout le monde sait que même si tu as fait tout ce qu'il fallait, la fatalité reste là avec la porte ouverte. C'est la loi du sport automobile.

Depuis ce début d'année, elle a rejoint les Iron Dames. A-t-elle échangé avec vous avant de repartir dans l'aventure ?

Non, on n'a pas échangé. On m'a appris cette nouvelle. On n'a plus rien à dire à quelqu'un de 50 ans, même à quelqu'un de 23 ans d'ailleurs. C'est notre liberté.

Je sais qu'elle a été performante pour sa première course, même si ça s'est mal terminé parce que l'on a envoyé sa coéquipière (Marta Garcia, N.D.L.R.) dans le mur. Elle est fit comme personne ne peut l'être. Elle fait des vidéos de ses séances avec son coach, elle est en forme, affûtée.

Des femmes ont marqué l'histoire du sport automobile. Pourrons-nous bientôt en voir d'autres au plus haut niveau ?

À notre époque, les voitures étaient bien plus difficiles et physiques, aujourd'hui, elles sont davantage assistées. Je vois qu'il y a la F1 Academy qui peut être un tremplin. Je suis convaincu qu'il n'y a aucune raison pour qu'une femme ne puisse être aussi performante qu'un homme.

On est dans un changement de société où les femmes tendent à être à égalité avec les hommes, mais ce n'est toujours pas acquis.

Et je tiens à rappeler que le plus bel exemple qui soit, c'est Michèle Mouton qui était à un cheveu de souffler le titre à Walter Röhrl en rallye. Ce qu'elle a fait est magnifique.

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