Briatore veut remettre l'Homme au cœur de la F1

Dans un entretien accordé à Omnicorse.it, Flavio Briatore regrette que la Formule Un soit devenue trop technique et fait quelques propositions pour remettre l’Homme au cœur d’une Formule Un où les ordinateurs seraient devenus rois.
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Comme à son habitude, Flavio Briatore a un avis bien tranché sur la Formule Un et, dans un entretien accordé au site italien Omnicorse.it, l’Italien critique vertement l’évolution actuelle de la discipline : « Il faut changer les choses, et vite. Ce n’est pas possible que ce soit la CFD ou la soufflerie qui détermine la valeur de chacun : tout dépend de l’aérodynamique. C’est comme ça que l’on tue le spectacle et que le sport se dévalorise » estime l’Italien, non sans faire l’écho des récentes déclarations de Luca di Montezemolo qui assurait que, du point de vue technologique, la Formule Un ne lui plaisait pas, estimant que l’aérodynamique valait désormais 90% des performances d’une monoplace.

Concernant l’éventualité d’assister à une nouvelle saison où Fernando Alonso ne sera pas en mesure de jouer les premiers rôles, Flavio Briatore se veut philosophie : « Nous pourrons aussi regarder Hamilton. Le problème est simple : en ce moment, la Formule Un est une compétition de voitures et non plus de pilotes. Nous savons tous que, l’an dernier, seul un pilote Red Bull pouvait remporter le titre de champion. Webber ne comprenait pas les pneus Pirelli et donc le titre est allé à Vettel, mais au volant de la RB7 ni Fernando, ni Lewis, ni Button ou même Rosberg n’auraient eu de difficultés à avoir les mêmes résultats que le jeune allemand. Mais je considère quand même Sebastian comme étant un grand pilote. »

De même, l’ancien team manager de l’écurie Renault relativise l’influence d’Adrian Newey au sein de l’écurie autrichienne : « Nous l’avons battu [avec Renault] ! Le mérite de Red Bull est d’avoir bâti une organisation parfaite autour de Newey. Soyons clairs, Adrian est un designer très compétent et capable. J’ajouterai que Red Bull a été la première, avec Renault, à croire en la CFD [ndlr : l’étude de la dynamique des fluides] et nous en voyons les résultats. Vous aurez noté que Lotus, anciennement Renault, conçoit toujours une voiture compétitive en début de saison, mais ensuite, ils ne savent pas la développer ou alors ils n’ont pas suffisamment d’argent pour tenir le rythme des autres équipes. Toujours est-il que l’an dernier ils ont pu décrocher des podiums lors des premiers courses et il en ira de même avec Lotus au début de cette saison 2012. »

S’il pense que Mercedes va progresser, il ne voit cependant pas les Flèches d’Argent jouer le titre cette saison et souhaiterait plutôt voir Ferrari revenir du diable vauvert : « S’ils ont vraiment compris comment résoudre le problème des échappements, je pense que nous les verrons se battre devant. Le soufflage des échappements est la seule chose qui ne peut pas encore être analysée en soufflerie. A Maranello, ils sont plus en retard que les autres dans ce domaine, particulièrement par rapport à Red Bull. Mais c’est aussi parce qu’ils ne disposent pas des techniques de CFD les plus évoluées. »

Pour l’Italien, les hommes de Maranello ne sont pas à remettre en cause : « Il y a un aspect purement technique mais aussi un aspect de nature logistique. Si vous voulez prendre vingt ingénieurs pour développer la meilleure CFD, en Grande-Bretagne, vous les trouverez, mais en Italie, c’est plus difficile. Donc Pat Fry ne peut rien y faire, il a seulement besoin du temps qu’on ne lui donne pas… » Briatore assure par ailleurs que Fernando Alonso n’est pas contrarié par la situation actuelle : « Il en est conscient, mais il sait très bien que Ferrari fait tout son possible pour le rendre compétitif. A Maranello, ils travaillent dur et sont certains de se sortir rapidement d’un mauvais démarrage. McLaren est toujours à seulement 3km/h de Red Bull et ils ne réussissent pourtant pas à regagner la moindre marge ! La vérité c’est que la F1 n’est pas facile. »

Flavio Briatore en revient à sa marotte : « Aujourd’hui une voiture ne naît plus sous le crayon d’un être humain mais est le fruit de complexes calculs informatiques. Ce n’est plus que l’expression d’un bassin de haute technologie restreint à l’Angleterre. Il y a là-bas dix écuries, de 300 personnes chacune, alors qu’en Italie, il n’y en a que deux. Nous avons aujourd’hui des voitures qui pourraient être télécommandées sans même avoir besoin de pilote. Nous nous éloignons du principe de base des courses automobiles qui doivent être un sport, un spectacle, une bagarre. »

Pour le manager italien, il est nécessaire de remettre l’Homme au cœur de la discipline : « S’il y a un Grand Prix sur piste humide, tous les calculs sont faussés et l’humain reprend le dessus sur les machines. Dans ces courses, on voit des dépassements, des contacts et des erreurs de pilotage qui animent la course. En somme, on voit du spectacle, et le public se divertit. […] Si je devais écrire le règlement 2014, je définirais un châssis identique pour tout le monde avec des ailerons avant et arrière standards. Je bannirais la CFD et l’utilisation du simulateur, mais je maintiendrais la recherche aérodynamique en soufflerie. Pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais les huit heures quotidiennes. Et puis je reviendrais sur l’interdiction des essais privés : il faut les réglementer, pas les interdire. Comment peut-on développer de nouveaux concepts ailleurs qu’en piste ? Et les jeunes pilotes, comment font-ils pour se rapprocher d’un volant de Formule Un s’ils n’ont pas le droit de faire des essais avec une monoplace ? Ca ne me semble pas être des propositions venues de Mars » estime l’Italien, une nouvelle fois en écho au discours tenu par Luca di Montezemolo, président de Ferrari.

Flavio Briatore craint surtout qu’une fracture se fasse jour entre le public et une Formule Un devenue obscure : « Est-ce qu’il est raisonnable que les écuries de pointe aient produit 70 ailerons différents l’an dernier ? C’est insensé ! Mais combien de fans arrivent à apprécier et comprendre ces subtilités ? Les journaux spécialisés comme Autosport ou Autosprint sont désormais des publications de niches pour des lecteurs qui ne sont plus si jeunes. On arrive même plus à expliquer cette technologie exacerbée au public et les jeunes ne se passionnent plus pour cette Formule Un. »

« Il faut trouver le juste compromis, aussi parce qu’il y a actuellement des écuries qu’on ne peut pas qualifier d’écuries de F1. Comment font-elles pour lutter face aux écuries de pointe avec peu de ressources si elles sont obligées de construire leurs propres monoplaces » s’interroge l’ancien manager emblématique de Benetton, non sans donner son opinion sur la question des châssis clients : « La contrainte d’être constructeur n’a pas de sens. Ce serait mieux d’accorder l’utilisation d’une troisième voiture d’une des écuries de pointe à une plus petite équipe. En effet, je préfèrerais voir dix Ferrari sur la grille plutôt que deux et une Marussia et je ne sais quoi d’autre. La répartition des coûts permettrait ainsi de mettre dans la voiture des pilotes qui n’ont pas les valises pleines de dollars mais qui ont du talent. » De toute évidence, Luca di Montezemolo s’est trouvé un allier.
12 commentaires
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  1. Gravatar Yann
    Yann Le 15/03/2012 à 18:52
    Article impressionnant qui rapporte une argumentation bien claire de Briatore, j'ai apprécié, ça pousse à la réflexion. J'ai hâte de voir les contradictions éventuelles :)
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  2. Gravatar pignon
    pignon Le 15/03/2012 à 19:15
    briatore est un tricheur, il peut donner tous les avis qu'il veut, il aura fait bien plus de mal que de bien à la F1 !!! Pour moi il est diqualifié.
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  3. Gravatar fredoriking
    fredoriking Le 15/03/2012 à 19:28
    En gros , il reprends le développement de Montezemolo et passe un peu de crème à Bernie en appuyant l'idée de course humide " artificielle".
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  4. Gravatar Dino
    Dino Le 15/03/2012 à 20:06
    Mais Briatore ne soutient pas l'idée des courses humides artificielles, il dit simplement que ce sont des courses passionnantes parce que le facteur technologique y est moindre, et que donc, plutôt que de mouiller les circuits, il suffirait de réduire l'importance de la technologie. Mais encore une fois, au lieu de critiquer l'homme, on peut peut-être s'attarder sur ce qu'il dit. Briatore a quand même était plus de vingt ans en Formule Un, qu'il ait fait des conneries, ça ne l'empêche pas d'avoir une légitimité pour parler F1 parfois bien supérieure à nous. Sur le diagnostic, pour moi, il a absolument raison : la F1 n'est plus la vitrine technologique qu'elle prétend être car, en dehors du KERS, la FIA a interdit tout ce qui pouvait avoir de potentielles applications (l'exploitation des flux d'échappements, les correcteurs d'assiètes, etc). Aujourd'hui, la F1 est un microcosme technique où on dépense des sommes folles pour parfois pas grand chose. On a interdit les essais pour réduire les dépenses, ça a tellement bien marché qu'il a fallut réglementer l'utilisation des souffleries et des simulateurs, et réintroduire, du coup, des essais en cours de saison. Maintenant, sans budget plafond, on aura beau limiter ce que l'on veut, les écuries ouvrirons de nouveaux postes de dépenses. Standardisons les ailerons avant et arrière, ils vont mettre le paquet ailleurs Si on veut vraiment que la F1 redevienne innovante, rendons leur un peu de liberté technique (je ne suis pas pour la standardisation) mais fixons leur un cap budgetaire ou un cahier des charges précis en terme d'impact environnemental par exemple (un objectif carbone par exemple) et que la FIA sanctionne sportivement les écuries qui iraient au delà. Le football connaît aujourd'hui le même débat avec le fair play financier. Maintenant, les écuries qui sont devant ne seront d'accord pour changer que lorsqu'elles seront derrière.
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  5. Gravatar surboumpour4roues
    surboumpour4roues Le 15/03/2012 à 20:09
    .....ma qué , c'est pas moi qui a dit a Piquet d'aller dans le mour , c'est pas jouste ça..........
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  6. Gravatar Depy
    Depy Le 15/03/2012 à 21:51
    Remettre l'humain au centre de la F1 ? Alors qu'on a poussé un pilote à se taper dans un mur délibérément ? Moi j'appelle ça ne pas prendre en compte le facteur humain. Outre ça, pleins de gens ont des idées. Mais il faudrait des projets durables qui ne seront pas changés tous les 4/5ans. Je trouve que si on retire le nom de Briatore, les idées ne sont pas mauvaises. Pour remettre l'homme au centre des histoires, faut retirer le DRS déjà ! Ou alors utiliser un autre style de règles. Du type, pouvoir l'utiliser x secondes pendant un tour ou la course et c'est au pilote de gérer où et quand il préfère le faire. Et là, on aura un peu de stratégies de pilotage je pense. Remettre les pilotes au centre, c'est standardiser les monoplaces pour réduire les facteurs influents mais dans ce cas, là F1 n'a plus un de ses intérêts ! Et on en revient exactement au même débat que l'autre fois, La FIA a beaucoup joué pour réglementer trop de choses. Et chaque innovation se retrouve interdite un moment ou l'autre.
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  7. Gravatar Falcon
    Falcon Le 15/03/2012 à 22:20
    Voilà un article intéressant de Briatore.et sont raisonnement n'est pas faux du tout ...
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  8. Gravatar Gusgus
    Gusgus Le 16/03/2012 à 01:15
    Cet entretien a le mérite d'être très riche ! Je suis tout de même en désaccord avec Briatore sur beaucoup de points. Je vais aborder un point avant la P1 et je reviendrai sur le reste plus tard. Je me permets donc de commencer par dire que Briatore n'a rien compris à la CFD. Il ne s'agit que d'un outil de mesure de l'efficacité aérodynamique d'une monoplace. En aucun cas ça ne permet de modifier automatiquement une monoplace par itérations afin d'atteindre la forme le plus performante. Il y a un donc un facteur humain dont le travail est d'interpréter les résultats d'une simulation, de la manière analogue à l'analyse des datas après une séance d'essais, afin d'améliorer manuellement un design au départ réalisé par un humain. Et qui dit facteur humain dit erreurs potentielles. Surtout qu'en plus, le logiciel ne s'est pas conçu tout seul, là encore le facteur humain a sa place. Enfin, on a bien vu avec Virgin que l'approche 100% CFD n'est pas la plus avisée, la CFD n'étant capable de réaliser que des approximations de la réalité.
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  9. Gravatar jean
    jean Le 16/03/2012 à 04:25
    Je suis aussi partiellement d'accord avec Briatore, plutôt en désaccord avec ce point: Si l'on a les mêmes chassis pour chaque équipe, alors dans ce cas il n'y aurait pas de bagarres de constructeurs, pas de dominateur. Si je pouvais j'aurai aussi une question à lui poser: Lui qui a placé Grosjean sur la grille en 2009, ça lui fait quoi de le revoir posséder un volant aujourdhui chez LRGP???
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  10. Gravatar Dino
    Dino Le 16/03/2012 à 04:25
    Oui enfin, tu es quand même d'accord que la CFD permet de faire des calculs qu'un humain ne peut pas faire.
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  11. Gravatar Dino
    Dino Le 16/03/2012 à 04:29
    @Jean En IndyCar, les voitures ont, je crois, les mêmes châssis, et ça n'empêche pas les mêmes d'être devant chaque année. Tout n'est qu'une question de budget, quoiqu'il arrive. Ca n'est pas systématique, mais quand vous avez du blé et que vous l'utilisez intelligemment, vous n'êtes pas aux choux
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  12. Gravatar Gusgus
    Gusgus Le 16/03/2012 à 05:03
    @Dino : disons que si ces calculs devaient être faits à la main, il faudrait déjà commencer à concevoir la voiture 2018 :D Mais ces calculs ne servent strictement à rien s'il n'y a pas l'humain pour en tirer les enseignements. En fait, c'est la phrase suivante de Briatore que je conteste : "Aujourd’hui une voiture ne naît plus sous le crayon d’un être humain mais est le fruit de complexes calculs informatiques". La voiture doit d'abord être conçue par les designers avant d'être testée en CFD, et ce n'est qu'après analyse des résultats des simulations - une analyse que la CFD ne fournit pas sur un plateau - qu'il sera possible d'apporter des ajustements. Ce n'est pas plus qu'un moyen de passer outre les restrictions sur l'usage des souffleries, comme semble le croire Briatore. Après, je suis plutôt de son avis quand il dit que l'aérodynamique a trop d'importance, mais ce n'est pas en réduisant les capacités de développement des écuries via la suppression de la CFD que les écuries vont oublier ce qu'elles ont fait ces 4 ou 5 dernières années avec leurs supercalculateurs. Pour y arriver, il faudrait, je pense, à nouveau réduire la taille des ailerons, définitivement clore les failles sur les Ducts, les diffuseurs, les échappements, et supprimer le gel des moteurs, tout en mettant là aussi des restrictions sur l'usage des bancs d'essais histoire que les coûts de développement ne décollent pas. Evidemment, un KERS plus libre aiderait aussi. Et ce sont ces deux points - moteur et KERS - qui sont transposables aux voitures de série, pas l'aéro.
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