Les mesures controversées de Ben Sulayem votées à 83%
Malgré l'opposition de l'Autriche et de plusieurs autres pays membres, les modifications statutaires proposées par Mohammed Ben Sulayem ont été largement approuvées jeudi à Macao. Ces changements, qui renforcent les pouvoirs du président de la FIA à quelques mois de sa réélection, ont été adoptés par plus de 83 % des voix lors de l'Assemblée générale.

Les modifications statutaires proposées par Mohammed Ben Sulayem ont été approuvées jeudi lors de l'Assemblée générale de la FIA à Macao, malgré une opposition de dernière minute menée par l'Autriche. Selon la BBC F1, les amendements aux statuts ont recueilli 83,35 % des voix, tandis que les changements au code d'éthique ont été adoptés par 88,83 % des membres.
Cette large majorité est un franc succès politique pour le président de la FIA, qui brigue un second mandat lors de l'élection prévue en décembre. Les modifications, révélées le mois dernier par le média britannique, avaient pourtant suscité de vives critiques de la part de plusieurs clubs membres qui y voyaient une concentration du pouvoir entre les mains du président sortant.
L'Autriche dénonce une « période sombre »
L'OAMTC, le club automobile autrichien et membre fondateur de la FIA, avait tenté jusqu'au bout de faire reporter le vote. Dans une lettre adressée mercredi au Conseil mondial pour l'automobile, la mobilité et le tourisme (WCAMT), l'organisation autrichienne dénonçait « une période sombre de recul démocratique » au sein de la FIA.
« Ces changements risquent de contribuer davantage à l'érosion de la réputation de la FIA en matière de gouvernance compétente et transparente », écrivait l'OAMTC dans sa missive. Le club autrichien bénéficiait du soutien du Royaume-Uni, de la Belgique, du Portugal et de la Suisse pour demander un report du vote afin de permettre « un examen et une analyse appropriés » des modifications proposées.
Oliver Schmerold, directeur général de l'OAMTC, a expliqué après le vote : « Nous avons proposé de reporter le vote sur les changements à une future assemblée car nous croyons qu'ils comportent des conséquences qui nécessitent plus de discussion. Cela a été soutenu par plusieurs autres membres. Le président a souligné que le processus statutaire avait été suivi et a demandé le vote. »
Des changements qui renforcent le pouvoir présidentiel
Les modifications adoptées comprennent plusieurs mesures qui accroissent l'influence du président sur les institutions de contrôle de la FIA. L'avancement du délai de déclaration des candidatures présidentielles, officiellement justifié pour donner plus de temps au comité des nominations pour examiner l'éligibilité des candidats, est perçu par ses détracteurs comme un moyen de « décourager l'opposition ».
La suppression de l'obligation d'avoir 21 nationalités différentes parmi les 28 membres du Conseil mondial du sport automobile permettra désormais au président de « garnir le WMSC avec des soutiens plutôt que d'encourager la diversité d'opinion », selon les termes de la lettre autrichienne.
L'alignement des mandats des comités d'audit, d'éthique et de nomination avec celui du président « réduirait de manière flagrante l'indépendance des organes de surveillance », poursuit le document. La modification qui retire au Sénat le droit d'approuver ou de rejeter jusqu'à quatre de ses membres pour le donner au président « affaiblit de manière évidente la capacité du Sénat à exercer ses fonctions de surveillance, y compris et surtout la surveillance du président lui-même ».
Une opposition limitée malgré les critiques
Cela fait déjà plusieurs mois que les tensions internes gangrènent la FIA. En mars dernier, David Richards, représentant de Motorsport UK au Conseil mondial, et le vice-président pour le sport de la FIA, Robert Reid, se sont vus exclus d'une réunion à la suite d'un différend avec Ben Sulayem concernant le refus de signer un accord de confidentialité révisé. Richards avait alors menacé d'engager une action en justice contre la FIA, dénonçant une « érosion de la responsabilité » sous la présidence du dirigeant émirati et un non-respect des engagements de transparence.
Le mois suivant, Reid avait brusquement démissionné de ses fonctions, évoquant « une rupture fondamentale des normes de gouvernance » au sein de l'instance dirigeante mondiale du sport automobile, accusant la direction actuelle de prendre des décisions unilatérales et opaques.
L'OAMTC évoque également la possibilité d'un recours juridique, estimant que les changements ont été « approuvés par des réunions du conseil mondial qui n'étaient pas correctement constituées, ayant intentionnellement exclu des membres élus de participer et de voter ».
Malgré ces critiques, la large majorité obtenue par Ben Sulayem démontre le soutien dont il dispose au sein de l'organisation mondiale. Carlos Sainz Sr., qui avait évoqué une possible candidature, n'a pas encore pris de décision définitive et aucun autre prétendant ne s'est manifesté, laissant pour l'instant le président sortant seul en lice pour l'élection de décembre.
Une gouvernance remise en question
Comme pour leur homologue britannique, la lettre autrichienne dresse un bilan sévère des trois années de mandat de Ben Sulayem, accusant le président d'avoir renié ses promesses de campagne de 2021 concernant des « structures de gouvernance conformes aux meilleures pratiques ». L'OAMTC reproche également au président de n'avoir mis en œuvre aucun des « changements critiques » recommandés par l'audit de gouvernance commandé à McKinsey en 2022.
Les critiques portent notamment sur la limitation du pouvoir du comité d'éthique, « les enquêtes éthiques pouvant - en effet - être supprimées » du fait de la concentration de la surveillance entre les mains du président de la FIA et du président du Sénat. L'élimination du poste de responsable de la conformité après le licenciement de Paolo Basarri l'année dernière est également pointée du doigt.
Un porte-parole de la FIA a répondu que l'organisation « a pris des mesures depuis 2021 pour renforcer ses politiques de gouvernance d'entreprise » et que « les amendements proposés aux statuts de la FIA sont conçus pour renforcer davantage les processus autour de la gouvernance et de la confidentialité ».
La victoire de Ben Sulayem à Macao consolide ainsi sa position avant l'élection de décembre, mais les critiques sur sa gouvernance continuent de résonner au sein d'une partie des membres de la FIA.