Valentin Hasse-Clot : « Le championnat du monde d’endurance et les 24 Heures du Mans, c’est un peu le Graal »
À l'aube de sa deuxième participation aux 24 Heures du Mans, le pilote du Racing Spirit of Léman revient sur son début de parcours. Ainsi que sur sa collaboration avec ses deux coéquipiers dans l'équipe française.

C’est votre deuxième participation aux 24 Heures du Mans. Qu’avez-vous retenu de la première, en 2023 ?
Ma première, c’était très spécial parce que c’était le centenaire. Et le centenaire, c’était quelque chose. Pour moi, Le Mans, c’est une obsession depuis tout jeune. Ma première participation au Mans, c’était une sorte de concrétisation parce que gamin, j’ai toujours rêvé de 24 Heures du Mans avant de rêver de F1.
Depuis que j’ai six ans, je suis dans le stand Pescarolo Sport. Henri, c’est clairement mon mentor. C’est un ami de mon grand-père, j’ai grandi avec Pescarolo Sport et avec des posters de (Sébastien) Bourdais dans ma chambre. Plus tard, j’ai fait l’autosport académie, je suis allé au lycée Le Mans Sud, j’ai un peu grandi au Mans, sur le circuit.
C’était aussi la dernière année des GTE, est-ce qu’il y avait une pression supplémentaire en de disant : il faut briller pour ce baroud d’honneur ?
Non, pas du tout. Après, il n’y a pas de bon ou mauvais Le Mans pour gagner. Mais cette édition était spéciale, c’était le centenaire, c’était la dernière du GTE. Je courais avec mes deux amis Français (Maxime et Arnold Robin). On avait le numéro 72. On avait fait une livrée hommage à Pescarolo et à Matra… Voilà tout ça faisait que c’était une édition spéciale pour nous.
Sportivement, on a fait de notre mieux. On a tout fait correctement jusqu’à cet accident d’Arnold juste avant la nuit. Mais on faisait une bonne course jusque-là.
À quel point Henri Pescarolo a été important dans votre carrière ?
Henri, plus qu’une aide directe, il m’a fait rêver, il a fait nourri ma passion. Il m’a fait rêver toutes ces années où il avait son équipe en LMP1. Il m’a permis d’assouvir cette passion en rencontrant les pilotes, en touchant les voitures. J’ai su que je voulais être pilote grâce à lui.
Être aujourd’hui dans le WEC, c’est une sorte de concrétisation, sachant que plus tôt, vous n’avez pas pu terminer certaines saisons faute de soutiens financiers.
Arriver en championnat du monde, ce n’est pas une finalité. Mais y arriver en tant que pilote officiel Aston Martin, ça pour moi, c’est… Je ne serais jamais arrivé en WEC sans ça. De toute façon, je n’avais pas l’argent. Donc arriver avec ce statut, c’est très spécial pour moi. Et j’ai le sentiment d’avoir eu un parcours plein d’embuches. Mais en même temps, il n’y aucun parcours qui se sont déroulés de manière très simple.
Je n’ai pas une histoire particulière par rapport à d’autres. On a tous galéré à notre niveau. Mais c’est sûr, ce n’a pas été simple. Dans mon métier, le championnat du monde d’endurance et les 24 Heures du Mans, c’est un peu le Graal.
Cette Aston Martin GT3, vous roulez depuis longtemps avec. A-t-elle encore des secrets pour vous ?
Non, je crois la connaître très bien. Ça fait six ans que je roule dessus dans sa version 2019, GTE, LMGT3 2024 ou 2025. Certes, elle a évolué, certes, j’ai évolué dans des catégories différentes, mais ça fait six ans que je n’ai pas touché à autre chose qu’une Aston Martin Vantage. J’ai roulé dans plus de vingt équipes clientes Aston Martin différentes dans une quinzaine de championnat : du WEC à l’ELMS au GT World Challenge, GT4 France… Tout ça fait que cette voiture, c’est mon bureau.
Cette année, avec plus de vingt semaines de course dans quatre championnats différents, ça aide.
Participer à plusieurs championnats, est-ce que cela vous permet de garder du rythme plutôt que de faire du simulateur ?
Je n’aime pas le simulateur. J’en fais quinze tours pour me remettre dedans, c’est moins d’une heure. Je ne suis pas un simguy. J’ai d’autres passions à côté du sport auto.
De toute façon, c’est assez dur de caler du simulateur dans mon programme. Là, je démarre les 24 Heures du Mans avec cinq semaines de course de suite : j’ai Le Mans, l’IMSA la semaine prochaine, les 24 Heures de Spa, l’ELMS et le WEC au Brésil. Et je ne repasse pas chez moi entre deux.
Enchaîner autant de courses en si peu de temps, comment on se prépare mentalement, physiquement pour tenir
C’est une de mes passions, la prépa. Moi, j’adore, plus je suis préparé, plus je suis bien dans ma tête. Plus j’encaisse le jet lag, la fatigue. Donc, c’est ma façon de préparer ça. Ça paraît anodin, mais certains pilotes ne se préparent pas. Je ne sais pas comment ils font.
J’ai un bon cadre à la maison. J’ai une femme qui me soutient. Elle partage ma passion. Elle travaille avec moi dans l’événementiel. On était séparés l’an dernier, on ne se voyait jamais. Cette année, on a une loge où on accueille 80 personnes par jour, donc on travaille dans le même paddock. On vit la même chose. Ça me permet aussi d’avoir moins de soucis.
Vous courrez avec deux rookies au Mans. Derek a plus d’expérience qu’Eduardo. Mais quels conseils vous pourriez leur donner pour piloter de nuit ?
Plus que la nuit, j’ai dit à Eduardo, et c’est sincère, qu’il est l’un des pilotes Silver les plus talentueux avec qui j’ai pu courir. Il a un talent exceptionnel. Le type n’a même pas besoin de travailler. Je lui ai dit de ne pas en faire trop.
On a vu à Spa, il était très agressif et ça, il le sait. Ça nous a coûté un podium. On a eu des pénalités. Le contact avec la McLaren, n’était pas obligé. Je lui ai dit « Tu me demandais, ce qu’il fallait que tu améliores ? Et bah, Spa… » En endurance, on se bat pour l’équipe et pas pour une raison personnelle.
Il vient du stockcar où quand tu prends un coup, tu le rends. Mais en endurance, non parce que là, crevaison et pénalité. On perd le podium alors qu’on doit faire deux ou trois. Ce pilotage sur 24 heures, tu ne termines pas. Mais c’est un jeune pilote, bourré de talent. Il n’a plus besoin de prouver.
On savait que le jour où on passerait en hyperpole, il mettrait la voiture en pole ou en première ligne. À Spa, on ne lui a pas donné de pneus neufs en essais, on les a donnés à Derek pour qu’on soit sûr qu’il nous place en hyperpole.
Pour Eduardo qui n’avait que deux courses en GT dans sa carrière, c’est impressionnant.
Vous roulez depuis longtemps avec Derek, vous avez pu créer une amitié
Très forte, trop forte. On part presque en vacances ensemble. C’est dur parce qu’après en débrief, il faut être sincère, il faut se dire les choses. C’est délicat pour se dire certaines choses.
Je lui ai toujours dit « tu as deux options : soit je te traite comme un client, un pilote amateur, un VIP et on ne se dit pas les choses. Soit, je te traite comme un pilote pro et un ami et je te dirais toujours la vérité, mais ça pourrait blesser ton égo ». Il a choisi la deuxième option. On se dit les choses, parfois ça fait mal, on n’est pas d’accord, mais…
Ça montre sa volonté de travailler, de progresser et de vouloir faire la différence par rapport aux autres pilotes bronze.
Parfois, il performe, d’autrefois non. Mais ce que je ne peux pas lui retirer, c’est qu’il est toujours à fond. Il n’a pas la chance de faire un autre championnat. Sur la grille, ça doit être l’un des deux seuls à ne faire que le WEC, sans essais à côté. On part d’une feuille blanche chaque week-end et on sait qu’il y a peu d’essais.
Donc de nous avoir mis la voiture en hyperpole à Spa, c’était fantastique. Il ne se bat pas avec les mêmes armes que les autres.
Quelles sont vos impressions lors de la journée test ?
Le Mans, c’est un morceau. Dimanche, j’ai dit aux pilotes que la piste était sale, qu’elle allait gagner en adhérence au fil des jours. Il n’y avait aucun objectif de chronos, de performance. C’était juste de faire les dix tours obligatoires, d’avoir le sourire, de se faire plaisir sans faire de track limits.
Je suis très satisfait de la journée. Il n’y a pas eu d’erreurs.