Essai - Jaguar F-Type Cabriolet P300 : le « chat-guar » de Coventry


Dévoilée au Mondial de l'automobile de Paris en 2012 et légèrement mise à jour en 2017, la sportive britannique s’est offert un profond restylage en fin d’année dernière à défaut d’une véritable nouvelle mouture. Les évolutions les plus notables concernent principalement la face avant et la dotation multimédia.
La gamme de motorisations a également fait l’objet d’un remaniement. Ainsi le très mélodieux bloc V6 a été contraint de tirer sa révérence au profit (et au plus grand dam des puristes) d’un 4 cylindres turbocompressé. Si à elle seule cette nouvelle pourrait vous faire avaler de travers votre Earl Grey, sachez toutefois que les ingénieurs de “Sa Majesté” ont eu le bon goût de préserver le V8 et même d’en introniser un nouveau.

Conception
La “nouvelle” F-Type dispose toujours d’un châssis rigide et léger reposant sur une suspension à double triangulation intégralement faite d’aluminium. Le gain de poids de 52 kg gagné sur l’ancien V6 de 340 ch résulte de l’adoption du moteur “Ingenium”. Il permet de mieux tirer parti des nouveaux réglages apportés par les équipes de développement mais se révèle anecdotique si l’on considère que le cabriolet P300 ne pèse pas moins de 1 615 kg.
Uniquement proposé en propulsion et épaulé d’une très efficace transmission automatique à 8 rapports nommée “Quickshift”, le modeste 4 cylindres de 2 L turbocompressé développe tout de même 300 ch à 5 500 tr/min et dispose de 400 Nm de couple. Sa consommation en cycle mixte est annoncée à 9,6 L/100 km (norme WLTP) et ses rejets de CO2 à 217 g/km (norme WLTP). Bien que ces données soient meilleures que celles du V6 qu’il remplace, ce nouveau venu ne brille pas par sa frugalité ou ses faibles émissions.

Mais au-delà de ces chiffres et d’un nom sorti tout droit d’une officine de pharmacie, cette nouvelle motorisation se veut surtout innovante. En témoigne une distribution électro-hydraulique directement intégrée dans la culasse. Cette technologie brevetée permet une commande variable de la levée des soupapes d’admission qui profite à l’optimisation du rapport puissance/couple sur toute la plage des régimes.
De série, la F-Type dispose de freins de 355 mm de diamètre à l’avant et de 325 mm à l’arrière. Ceux-ci s’avèrent efficaces et relativement endurants dans le cadre d’une conduite à allure soutenue. Notez par ailleurs que tous les modèles 4 cylindres dotés de jantes 19” ou 20” peuvent être équipés en option du dispositif de freinage “Jaguar Super Performance”. Les disques passent alors à 380 mm à l’avant et 376 mm à l’arrière.
Notre modèle d’essai était campé sur de très belles jantes 19” à 5 branches doubles, chaussé de pneus Pirelli P-ZERO montés en 245/40 R19 à l’avant et 275/35 R19 à l’arrière et drapé d’une teinte métallisée “Bluefire Blue”.
Design extérieur
Sans concéder quoi que ce soit au design néo-rétro, les lignes de la F-Type de 1ère génération rendaient hommage à son illustre devancière la E-Type. La 2nde pour sa part, assume une forme de rupture.
Bien que le profil en amande et la finesse de la poupe, si caractéristiques des découvrables de Coventry depuis 1961, soient préservés, la face avant évolue sans trop se soucier du passé.

En témoignent les blocs optiques qui ont été profondément repensés. Non contents de s’affiner et de basculer à l’horizontale, ceux-ci ont été repoussés aussi loin que possible sur les côtés, contribuant à asseoir la largeur du véhicule. Les nouveaux feux diurnes à LED ultra-minces intègrent une signature en forme de “J” et les clignotants sont dorénavant à défilement.
La calandre, les écopes latérales et celles du capot moteur (factices) s’élargissent considérablement. Elles confèrent ainsi davantage de prestance (mais également de plastique) au cabriolet.
Si vous l’observez de face, le regard de l’anglaise intimide. Il s’apparente à celui d’un félin qui incline légèrement la tête vers le sol et s’abaisse juste avant de bondir. Certains lui trouveront de faux airs d’Aston-Martin mais vous conviendrez qu’il y a pire affiliation.

De profil, le long capot prend fin sur un pare-brise très incliné, n'altérant en rien la fluidité de la ligne. Les ailes se parent d’ouïes chromées (encore factices) au sein desquelles semble vouloir venir se loger le fameux prédateur tacheté.
Dans leur prolongement et juste sous la ceinture de caisse, se cachent de très belles poignées affleurantes laissant apparaître le nom “Jaguar” en toutes lettres une fois déployées.
Lorsqu’elle est rabattue, la capote se loge dans un compartiment positionné derrière 2 arceaux en aluminium gris argenté qui contrastent élégamment avec la teinte métallisée “Bluefire Blue”.

Le galbe des larges ailes arrières conduit enfin le regard jusqu’au feux qui évoluent en douceur. Leur signature lumineuse est désormais plus anguleuse et son dessin, aux dires de Jaguar, s'apparente à une chicane.
L’aileron rétractable apporte un soupçon de sportivité, trahissant par ailleurs votre allure auprès des passants, mais ne peut se targuer d’aucune vertue esthétique.
La canule d’échappement centrale chromée laisse entrevoir une double sortie de ligne et manque autant de finesse que l’imposant diffuseur arrière souffre de l’absence de matériaux plus nobles.
La nouvelle découvrable de Jaguar gagne donc en agressivité ce qu’elle perd en charme subtil et en élégance mais ne fait pas pour autant oublier celle qu’elle remplace. Car, soyons honnêtes, le coup de crayon originel de Ian Callum fait encore tourner bien des têtes.
Vie à bord
Au premier regard, il est difficile de distinguer le nouvel habitacle de l’ancien tant les changements sont peu nombreux, tout du moins avant de mettre le contact.
Une fois avoir enjambé le seuil de porte en aluminium frappé du sceau de la marque, on observe une présentation générale très austère. Seule la fonction de chauffage du volant et des sièges électriques parés de cuir et de suédine pourrait vous faire admettre que cet intérieur est “chaleureux”.
Confortablement installé, on relève la présence de quelques détails soignés tels que la discrète mention “Jaguar Est.1935” sur la console centrale, l’entourage du bouton de la boîte à gants et les passants de ceinture de sécurité en cuir.

La cinématique d’ouverture des aérateurs centraux au démarrage fait toujours sont petit effet mais ne suffit pas à faire oublier la qualité médiocre de certains plastiques de la console centrale et de ses commandes satellites. Dommage dans la mesure où la plupart des ajustements et la qualité d’assemblage générale sont convenables.
Le nouveau tableau de bord HD TFT de 12,3” logé derrière le volant en cuir introduit des compteurs digitaux en lieu et place des traditionnelles aiguilles. Réactif et de très bonne définition, celui-ci propose différents types d’affichage, chacun adapté au profil de conduite que vous sélectionnerez.
L’écran central tactile de 10” n’offre pas la même qualité d'affichage mais reste toutefois assez réactif et agréable à l’usage. Son système d’infodivertissement “Touch Pro” embarque désormais “Apple Car Play” et “Androïd Auto” et permet entre autres de profiter du système audio “Meridian” dont les prestations ont été améliorées.

Le cabriolet F-Type a beau n’avoir été conçu que pour 2, il sait néanmoins se révéler pratique. Ces occupants disposent ainsi d'une boîte à gants plutôt généreuse, de bacs de rangement sous les accoudoirs, de filets de retenue pour de petits objets et même de crochets pour suspendre une veste ou un sac.
Pour le reste de vos effets personnels, figurer dans le Top 10 mondial des joueurs de “Tetris” pourrait vous être utile tant la découpe des volumes disponibles du coffre est saugrenue.
Motorisation et comportement routier
Au chapitre de la mécanique, l’histoire de la nouvelle F-Type s’écrira donc sans le regretté V6. La nécessité de respecter les directives émises par les institutions européennes faisant autorité en termes de problématiques environnementales lui aura été fatale. Jaguar se devait de niveler sa gamme de motorisations par le bas afin de limiter autant que possible ses émissions de CO2 mais aussi et surtout les sanctions financières auxquelles la marque s’expose. Ainsi naquit le moteur “Ingenium”.
Des rugissements du V8 à l’extinction de voix du 4 cylindres, Jaguar assume donc une polarisation de son offre de motorisations difficilement compréhensible. Sans réelle proposition intermédiaire résultant d’un compromis “raisonnable”, on passe ainsi du simple au double et l’on s’interroge quant à la pertinence du fait de positionner un V8 en milieu de gamme en lieu et place de l’ancien V6.
Les dirigeants de la marque affirment malgré tout que : “l'association de la sportive biplace tout en aluminium avec un bloc moteur 2.0 L turbo de 300 ch délivre l'ADN d’une Jaguar, avec une agilité accrue, une plus grande efficacité et une meilleure accessibilité. C'est une vraie F-Type ayant son propre caractère.”

Mais que se passe-t-il si l’on confronte ces éléments de langage à la réalité des faits ?
D’abord, les 120 kgs qui séparent le V8 de la P450 du 4 cylindres de la P300 jouent effectivement en la faveur d’une “agilité accrue” et d’une “plus grande efficacité”.
Ensuite, pour ce qui est de “l’accessibilité”, sachez qu’en 2013 le cabriolet équipé du V6 de 340 ch était vendu à partir de 73 800 €. Le nouveau bloc “Ingenium” abaisse le ticket d’entrée à 71 550 €. Cet écart de prix est insuffisant pour que l’argument financier soit recevable (d’autant plus si l’on considère le malus de 20 000 € auquel il s’expose en 2020).
Enfin, si l’on considère “l’ADN de Jaguar” et l’idée selon laquelle la P300 aurait “son propre caractère”, les passionnés de la marque auraient tendance à s’inscrire en faux et nous ne pourrions pas pleinement leur donner tort. Disons-le sans détours, la F-Type ainsi motorisée est taciturne et manque cruellement d’âme. Elle ne rugit pas, elle ronronne à peine.

Côté performances, la découvrable britannique a cependant des qualités dynamiques à faire valoir. Elle exécute l’exercice du 0 à 100 km/h en 5,7 sec, sa vitesse de pointe culmine à 250 km/h et la puissance de 300 ch, comme le couple maximal de 400 Nm, est délivrée dès 1 500 tr/min et ce jusqu’à 5 500 tr/min.
La F-Type P300 est proposée exclusivement en propulsion avec une transmission automatique “Quickshift” à 8 rapports. Celle-ci offre un réel agrément de conduite et s’adapte à toutes les cadences que vous lui imposerez. Nous avons particulièrement apprécié sa douceur en ville et sa rapidité à vive allure. Les montées en régime jusqu’à la zone rouge ne sont jamais contrariées par le passage forcé d’un rapport comme sur certaines concurrentes.
Les palettes en aluminium (option à 357€) suivent les mouvements du volant et offrent une réponse quasi immédiate à tous les régimes. Une fois l’échappement actif libéré et le mode “Dynamique” sélectionné, elles vous permettront de prolonger le temps de chargement du turbo et de gratifier vos oreilles de quelques râles et crépitements à la décélération et au rétrogradage.

Le mode “Sport” quant à lui vous laisse libre de pousser les 4 cylindres dans leurs derniers retranchements. La suspension se raffermit sans jamais être trop sèche, les accélérations se font plus franches et les rapports s’enchaînent aussi rapidement que les points de votre permis pourraient disparaître.
Le freinage n’est pas en reste et nous a donné entière satisfaction à l’occasion de notre essai. Endurant et précis, celui met en confiance et ne nous a jamais fait défaut malgré le poids élevé du cabriolet (1 615 kg). Seule la direction peu informative incite parfois à ralentir de manière prématurée.
L'élégante découvrable n’est pas une sportive radicale ni une véritable GT. Si la P300 n’a pas sa place sur un circuit ou dans des lacets de montagne, elle pourrait néanmoins vous permettre de rejoindre à vive allure “Les Cotswolds” du sud-ouest de l'Angleterre en affichant un très large sourire.
Le saviez-vous ?
La nouvelle F-Type P300 inaugure le premier “vrai” 4 cylindres essence maison de la firme anglaise. En effet, depuis 1948 et l’abandon de ce type de motorisation initialement destiné à animer la XK 100 (pour constituer une alternative moins onéreuse à l’iconique XK 120), l’immense majorité des 4 cylindres commercialisés par Jaguar étaient dérivés de blocs Ford.
Non content d’avoir vu le jour en interne, de se révéler innovant et d’être le 4 cylindres essence le plus puissant jamais logé sous le capot d’un Jaguar de série, le nouvel “Ingenium” de 300 ch développe également le rendement spécifique le plus élevé de tous les moteurs de la gamme F-Type à raison de 150 ch par litre.
Plus surprenant enfin, le dispositif de distribution électro-hydraulique, directement intégré dans la culasse et servant une commande variable de la levée des soupapes d’admission, s’inspire assez largement de la technologie “MultiAir”, propriété de Fiat et Alfa Romeo. Dans les deux cas, la combustion est optimisée et la consommation (théoriquement) réduite à faible charge.

Conclusion
Dotée de seulement 4 petits cylindres, la découvrable anglaise semble aphone en comparaison de feu l’ancien V6 et du nouveau V8 qui l’accompagne. Elle tient ainsi davantage du chat "Bengal" que du redoutable félin dont elle porte le nom.
Cette voiture agit néanmoins sur vous tel un amuse-bouche : votre regard est tout de suite impacté par sa présentation soignée, vous imaginez sa saveur avant-même de vous en être saisi, ses formes et ses couleurs vous laissent présager d’un caractère affirmé, mais une fois acquis, on en veut plus et on reste sur notre faim.

Il est finalement impossible de faire l'impasse sur cette évidence : la nouvelle motorisation "Ingenium" lui a été attribuée sous la contrainte. Celle d’une époque où les mouvances politiquement correctes privent des véhicules en marge de la production automobile mondiale d’une véritable âme.
La Jaguar F-Type cabriolet P300, comme d’autres, en fait les frais et n’est pas davantage convaincante au registre de l’écologie qu’à celui de la sportivité et du pur plaisir de conduire. Seuls son blason prestigieux, sa ligne incomparable et son charme presque magnétique pourront vous faire oublier son manque de noblesse mécanique et combien elle reste malgré tout désirable.
Les chiffres
Modèle | Jaguar F-Type Cabriolet P300 (2020) |
---|---|
Prix / à partir de : | 71 550 € + 20 000 € de malus |
Prix du modèle essayé : | 78 460 € |
Moteur | |
Motorisation : | Turbo essence 4 cylindres en ligne 1 997 cm3 16 soupapes Injection directe |
Architecture moteur : | Position longitudinale avant |
Puissance : | 300 ch |
Couple : | 400 Nm dès 1 500 tr/min |
Boîte de vitesse : | Automatique 8 rapports |
Type de transmission : | Propulsion |
Caractéristiques | |
Suspensions avant / arrière : | Double triangulation |
Freins avant : | Disques ventilés (355 mm) |
Freins arrière : | Disques ventilés (325 mm) |
Pneus avant / arrière : | Avant : 245/40 R19 Arrière : 275/35 R19 |
Performances | |
0-100 Km/h : | 5,7 secondes |
Vitesse maximale : | 250 km/h |
Cycle urbain : | 13,3 L/100 km |
Cycle extra-urbain : | 8,4 L/100 km |
Cycle mixte : | 9,6 L/100 km |
Poids et mesures | |
Dimensions : | 447 cm (L) 164,7 cm (l) 130,7 cm (H) 262,2 cm (empattement) |
Volume de(s) coffre(s) : | Arrière : 132 L |
Réservoir : | 63 L |
Poids à vide : | 1 615 kg |
Nombre de places : | 2 |
Points positifs
- La ligne sublime et intemporelle ;
- La dotation technologique à jour ;
- La facilité de prise en main ;
- L’agrément du moteur malgré son manque de “noblesse” ;
- L’efficacité et la polyvalence de la boîte de vitesse "Quickshift" à 8 rapports ;
- Le confort de suspension ;
- La dotation en équipements de série.
Points négatifs
- La disparition du moteur V6 ;
- Le manque de sonorité du moteur 4 cylindres ;
- Le poids conséquent pour une voiture à vocation sportive ;
- Le tarif de base élevé ;
- L’agilité modérée ;
- La direction peu informative ;
- La consommation et les rejets de CO2 impliquant un malus de 20 000 € (!)