Arrêt du moteur Renault F1 : « une perte de compétences, de savoir-faire » selon la députée Claire Lejeune
Mobilisée aux côtés des employés de l'usine de Viry-Châtillon, Claire Lejeune déplore les potentielles conséquences de l'arrêt de la production des moteurs de F1 de Renault. Au-delà de la perte d'un "savoir-faire" historique, cela aurait un impact fort sur la situation économique du territoire.


Au plus près. Depuis l'annonce de l'arrêt des moteurs Renault dédiés à la Formule 1, Claire Lejeune apporte un soutien indéfectible aux membres de l'usine de Viry-Châtillon. La députée de la septième circonscription de l'Essonne est présente à chaque mobilisation des salariés, que ce soit devant l'usine ou à Boulogne-Billancourt, siège du groupe.
Vous avez été présente à plusieurs rassemblements des employés de l'usine, c'est une cause qui vous touche...
J'ai été alertée sur le dossier cet été lorsque les salariés ont appris la nouvelle. Très rapidement, j'ai pris contact avec les syndicalistes et les membres du CSE parce que, même du point de vue de la brutalité de la décision, ce sont des choses qui sont intolérables.
Renault bénéficie d'aides publiques, il y a un devoir du côté des dirigeants de Renault de maintenir des emplois et de ne pas provoquer une casse industrielle comme ils le font ici.
Que représente à vos yeux le moteur Renault ?
La lecture que j'en ai, c'est que Renault abandonne là une part de son héritage sportif et industriel qui est assez longue sur ce site de Viry. Avec des places en championnat du monde, dont ils peuvent être très fiers si on regarde sur le long terme. C'est aussi une perte de compétences, de savoir-faire et d'ambitions technologiques. Au-delà de l'ambition stricte de la Formule 1, il y a beaucoup d'innovations qui se font en F1 et qui sont répliquées sur les véhicules de série.
Alors, dans un moment où la filière automobile française fait face à d'immenses défis, notamment pour aborder le passage du thermique à l'électrique, un abandon comme celui-là est un mauvais signal. Très clairement.
C'est une décision aberrante d'un point de vue sportif et industriel. Il y a une série de questions qui se posent à plusieurs niveaux.
Lors des différents rassemblements, quel était le message des salariés ?
Ce qui m'a touchée, dans les échanges que j'ai pu avoir, c'est que les employés sont des personnes ultra-engagées dans leur métier, qui est aussi une passion. Et là, ils se voient promis à un avenir vraiment très flou par les activités par lesquelles la production du bloc moteur va être remplacée, qui ne correspondent pas à leur métier de base.
« Au-delà des emplois de Viry, c'est toute la chaîne de sous-traitance qui va être impactée. »
Il y a un sujet social sur lequel les employés ont été maltraités dans tout ce processus. Là, ils ont enfin un échange vendredi. Jusque-là, ils ont eu beaucoup de mal à nouer un dialogue avec la direction du groupe Renault.
En tant que parlementaire, je ne pouvais m'adresser qu'à un gouvernement démissionnaire qui ne pouvait s'occuper que des affaires « courantes ». Et dans les marges de manœuvre, leurs interventions sur le dossier allaient être limitées, alors que l'État est actionnaire à 15 % du groupe.
Mobilisée aux côtés des salarié.e.s d'Alpine F1✊
Ici à Viry-Châtillon, il est question de capacités industrielles, de savoir-faire et de compétences, mises en cause par la décision brutale de Renault.
Je serai avec eux, en portant aussi la bifurcation écologique du secteur. pic.twitter.com/pplEns5shi
— Claire Lejeune (@ClaireMLejeune) August 30, 2024
Il y a le sujet de la maîtrise et de la souveraineté industrielle, qui est un enjeu primordial, car c'est ce qui va conditionner notre capacité à faire transitionner l'automobile. De la F1 à la série sur la question de l'électrique, il s'agit aussi de construire une vraie filière automobile en France.
On parle du cas de Viry, mais il y a aussi l'usine de Lardy (Essonne), qui subit des pertes en termes de masse salariale depuis des années. Au niveau national, c'est la même chose, il y a de la casse.
C'est la même chose pour la sous-traitance. Avec le cas de Viry, il va y avoir des incidences sur une usine Mecachrome. Au-delà des emplois de Viry, c'est toute la chaîne de sous-traitance qui va être impactée. Avant l'annonce, il n'y avait aucun mauvais signal. Les salariés n'avaient pas d'indicateurs sur ce revirement pris par la direction de Renault.
Êtes-vous une passionnée de sport automobile ?
Mon père allait regarder, côté moto, les 24 Heures du Mans. Par ricochet, j'étais en contact avec cette passion. Personnellement, ce n'est pas un centre d'intérêt qui a vraiment marqué ma vie. Là, je découvre ce monde. Je passe du temps à discuter avec les salariés. C'est beau de voir des gens dont le métier est une passion et qui l'exercent avec engagement.
Quelles pourraient être les conséquences économiques de l'arrêt définitif de la production des moteurs F1 pour Viry-Châtillon et l'Essonne ?
Du côté de Viry, elles seraient importantes, car c'est l'un des premiers employeurs de la ville. Et pour beaucoup, leur activité est liée à la Formule 1. Si leur prochaine activité n'est pas liée à cet aspect, ils risquent de partir. Cela aura une incidence très importante.
« Et dans un moment où il faut réussir à marquer une nouvelle étape de cette histoire, c'est un très mauvais signal que la décision soit celle d'une rupture plutôt que celle d'une prise en compte des défis à venir en gardant le savoir-faire industriel sur notre territoire. »
Le contenu porte aussi sur le plan de transformation proposé par le groupe. Il est en train d'être expertisé. On aura le compte-rendu d'une expertise le 26 septembre, donc on pourra, à ce moment-là, avoir plus d'éléments. Mais il y a des inquiétudes sur le volume des activités. Que cela ne corresponde pas forcément au maintien des 334 salariés. Il y a des incidences fortes, très claires.
Je sais aussi qu'il y avait des activités d'ouverture avec un programme à destination des jeunes pour leur faire découvrir les métiers liés à la F1. Il y avait tout ce volet-là qui ouvrait sur la vie de la commune et du département. Et tout est mis en péril à cause de cette décision.
Peut-on aussi parler d'une perte pour le patrimoine français ?
Bien sûr, à mon sens, oui. Si on connaît l'histoire de Renault dans notre pays, et dans la F1, c'est sûr que c'est une rupture dans la continuité de cette histoire. Et dans un moment où il faut réussir à marquer une nouvelle étape de cette histoire, c'est un très mauvais signal que la décision soit celle d'une rupture plutôt que celle d'une prise en compte des défis à venir, tout en gardant le savoir-faire industriel sur notre territoire.
Quand le climat politique sera un peu plus apaisé et que l'on aura enfin retrouvé un gouvernement, allez-vous mobiliser toutes les forces politiques et les ministres sur ce dossier ?
J'avais déjà interpellé cet été le ministre de l'Industrie et de l'Économie. Mais dès qu'il y aura un nouveau gouvernement, on y verra plus clair. Mais l'instabilité ne risque pas de s'atténuer. Le prochain gouvernement ne risque pas de durer très longtemps. C'est cela, la difficulté.
« Là, on voit que cette crise politique nous empêche d'avoir une visibilité sur la stratégie à moyen/long terme d'un point de vue industriel, de la transformation de la filière auto. Au final, ce sont les constructeurs qui ont les mains libres pour appliquer des plans sociaux, qui sont parfois adossés à une priorisation de la rentabilité à court terme plutôt qu'à une vraie vision stratégique à long terme avec une véritable vision industrielle. »
« On espère qu'il y aura une résolution heureuse pour le site de Viry. »
D'autres élus locaux, le maire de Viry-Châtillon et le président du Département de l'Essonne, sont présents pour montrer leur soutien. Bien que vous ayez tous les trois une étiquette politique différente*, travaillez-vous main dans la main sur ce dossier ?
« Nous sommes présents ensemble aux rassemblements. C'était le cas le 30 août et dernièrement, le 12 septembre, à Boulogne-Billancourt. Il y a des points sur lesquels nous pouvons nous accorder. C'est-à-dire que nous voulons que le site de Viry garde cette compétence sur la F1. »
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Après, c'est normal, nous allons avoir des différences d'argumentaires et de vision sur le rôle de l'État. Nous, de notre côté, nous ne pouvons plus avoir une économie où l'on laisse le marché agir seul. L'État doit retrouver une position de stratège. Les aides et subventions accordées doivent faire l'objet de conditionnalités très strictes, qu'elles soient environnementales ou sociales.
Mais cela ne nous empêche pas d'être présents, ensemble, sur le dossier.
Avez-vous pu échanger avec des responsables du groupe ?
J'ai eu un rendez-vous mardi avec le responsable des affaires publiques. Il m'avait sollicitée dès cet été. Et dans un moment où la direction de Renault n'avait pas de dialogue avec les salariés, qui ne demandaient que cela, c'est vrai que j'ai attendu qu'il y ait ce rendez-vous avec Luca de Meo avant d'avoir, moi, un rendez-vous. C'est le seul échange que j'ai eu à ce stade avec la direction.
Je crois que le maire de Viry a sollicité un entretien direct avec le directeur général.
Vendredi pourrait être une journée décisive pour l'avenir du site. Allez-vous suivre avec attention les discussions entre les salariés et Luca de Meo (directeur général de Renault) ?
Oui, alors à cause de mon calendrier très serré, je ne serai pas sur place, à Viry. Mais nous suivrons de près, avec tous les acteurs politiques, le compte-rendu donné par les salariés de ces échanges. Ce sera ensuite aux salariés et aux syndicats de décider de la stratégie de mobilisation, des actions et des suites à donner. Nous nous calerons surtout sur les conclusions des échanges.
*Jean-Marie Vilain, maire de Viry-Châtillon, Union des démocrates et indépendants (UDI). François Durovray, président du Département de l'Essonne, Nous France (NF). Claire Lejeune, députée de la septième circonscription de l'Essonne, LFI.