Avec le même moteur pour tous les pilotes, comment l'équité des pilotes est-elle respectée en Formule 2 ?
Fournisseur exclusif des moteurs de F2 depuis 2005 et de ceux de F3 depuis 2016, Mecachrome dispose d'une marge de manœuvre très faible dans leur conception des moteurs afin de respecter l'équité entre les équipes, indispensable au bon déroulement de ces championnats, comme nous l'explique son PDG Christian Cornille.


Le principe d'équité en Formule 2, chère au championnat, est essentielle pour assurer que la série reste un terrain d'apprentissage compétitif et accessible pour les jeunes pilotes qui aspirent à atteindre la Formule 1. L'accent mis sur l'équité et la standardisation permet de garantir que le talent du pilote soit le facteur décisif, minimisant l'impact des budgets des équipes sur les performances en piste.
La F2 se veut être une compétition équilibrée et équitable. Elle doit permettre aux pilotes de se mesurer principalement sur leurs compétences, plutôt que sur les différences technologiques ou budgétaires entre les équipes. On retrouve d'ailleurs le principe de la grille inversée pour les dix premiers qualifiés lors des courses sprint le samedi en F2.
Depuis sa création en 1967 (apparue sous le nom de "Championnat d'Europe de Formule 2"), la F2 a toujours fait la part belle à l'homogénéité des monoplaces. La première forme de standardisation des voitures est apparue en 1996 ("Formule 3000" à l'époque). Depuis le passage du "GP2 Series" à la F2 en 2017, les instances en charge du championnat poursuivent sur cette lancée en limitant également les dépenses des différentes équipes pour le rendre plus accessible.
Des monoplaces standardisées
De nombreux éléments des voitures sont standardisés. L'organisation fait donc appel à des concepteurs uniques pour distribuer les mêmes pièces à toutes les écuries du plateau. Tous les moteurs sont par exemple délivrés par Mecachrome, les châssis par Dallara, ou encore les pneus par Pirelli.
Afin de s'assurer que toutes les voitures respectent les spécifications requises, la FIA applique régulièrement des contrôles techniques. La zone d'action des constructeurs engagés au championnat se situe alors sur l'équilibre de la voiture ou les suspensions.
Dans cette optique, la FIA est très prudente sur les différents éléments standardisés. La marge de manoeuvre autorisée aux développeurs est très faible, notamment pour les moteurs. Mecachrome dispose donc d'une marge minime. Celle-ci ne dépasse pas les 14 chevaux. Les moteurs, que l'entreprise française produit pour la F2, doivent développer précisément entre 576 et 590 chevaux. Une prouesse à renouveler chaque année avec des nouveautés à apporter sur ces moteurs.
Cela représente l'un des défis principal pour les ingénieurs de Mecachrome, comme nous l'indique Christian Cornille, PDG du groupe : « Notre objectif [est] de designer un moteur qui nous garantit au moment des essais de se situer dans cette plage de performance extrêmement stricte [définie par la FIA] et de la maintenir tout au long de la saison qui est longue. »
Mecachrome développe personnellement chaque moteur de F2 et F3, résultant de la « propriété intellectuelle » de leur propre bureau d'études. « Nous développons les nouvelles versions, nous fabriquons les moteurs, nous les exploitons » énumère le dirigeant de l'entreprise. Livrant la totalité du plateau, il est de sa « responsabilité de permettre que la course se déroule ».
Une présence à chaque Grand Prix
En tant que motoriste exclusif, Mecachrome se doit d'être présent à chaque week-end de course. « Notre rôle est aussi de surveiller l'exploitation, soutenir les différentes équipes. Quand il y a des accidents ou des problèmes techniques, nous fournissons de nouveaux moteurs » indique Christian Cornille. Les ingénieurs français sont également présents dans un besoin d'assistance lors d'incidents mécaniques ou pour éclaircir les écuries lorsque celles-ci en ont besoin.
Autre élément indispensable de leur présence dans le paddock : le respect des consignes. Les moteurs de Mecachrome disposent d'un certain nombre de capteurs permettant de recueillir de nombreuses informations. Cela permet notamment de « vérifier qu'ils soient utilisés dans des zones d'utilisation qui sont les bonnes, ce qui est monitoré sur place » indique le dirigeant. « Nous vérifions cela dans le cadre de notre partenariat avec le promoteur afin que ce dernier puisse avertir les équipes lorsqu'elles ne respectent pas les plages d'utilisation qui leur ont été spécifiées ». Les frais de réparation, s'il y en a, reviennent alors dans ce cas aux équipes.
Une distribution sous la charge de la FIA
Pour éviter toute polémique, Mecachrome n'est pas en charge de la distribution de la trentaine de moteurs qu'elle met à la disposition du championnat de Formule 2 chaque année. C'est la FIA elle-même qui s'en charge. « Nous fournissons tous les moteurs nécessaires au promoteur pour la saison en début d'année, aux alentours de fin février » indique Christian Cornille. « Il procède ensuite à un tirage au sort pour la répartition entre chacune des équipes. »
La distribution, qui « n'a jamais été remis en cause », est encore une fois de la responsabilité de l'organisation lors d'un changement de moteur. Celle-ci peut se faire après un accident, un problème technique ou lorsque la plage de performance du moteur n'est plus en accord avec le règlement. Mais ce cas de figure demeure rare : « Cela arrive qu'il y ait des doutes de la part de pilotes mais c'est assez rapide de faire des vérifications au banc » explique le PDG. « Et celles-ci permettent quasiment toujours de montrer au pilote que le problème ne se situe pas au niveau du moteur. »
Des moteurs presque aussi bruyants que ceux de F1
Si vous avez déjà eu l'occasion d'assister à un week-end de Grand Prix, vous avez peut-être été surpris par le bruit dégagé par les F2. Cela est dû à la faible plage de performance autorisée dans le développement de puissance de ces moteurs. La priorité pour les promoteurs est le respect de l'équité sportive et le règlement est moins strict qu'en F1 sur le bruit dégagé par exemple. Le design particulier des moteurs pour rentrer dans les clous est donc à l'origine du bruit conséquent des monoplaces.
Autre spécificité de ces moteurs, les nombreux retours de flamme qu'ils produisent. Cela est également dû à leur design particulier. Mais Christian Cornille confesse : « On saurait les enlever mais cela couterait de l'argent. Nous ne le faisons pas car cela ne dérange pas le promoteur ». Un règlement plus souple encore une fois qu'en F1, mais qui bénéficie peut-être aux promoteurs en offrant un côté encore plus spectaculaire – si ce n'était déjà pas assez le cas – à ce championnat.