Interview d’Isack Hadjar à Spa : « Je discute beaucoup avec Helmut Marko, il m’aime bien, j’ai de la chance »
Le pilote de F2 pour Hitech et membre de Red Bull Junior Team a révélé dans une interview à MotorsInside son état d'esprit en venant à Spa ce week-end. Il note des améliorations sur les dernières courses.


En tant que membre de Red Bull Junior Team, comment s’est passée ton expérience avec eux jusqu’à maintenant ? Quel soutien et accompagnement reçois-tu d’eux et comment cela contribue à ton développement en tant que pilote ?
Si je suis en F2 c’est grâce à eux, il y a le financement. Et en dehors de la piste, le suivi est parfait, on a accès à tout. On a une meilleure structure d’entraînement, des pistes, on a des gros simulateurs pour s’entraîner. Je passe aussi pas mal de temps chez Red Bull à l’usine. La personne qui est en charge de l’académie, c’est Guillaume Roquelin, qui a gagné quatre titres avec Vettel, c’était son ingénieur de piste. Donc on a affaire à des personnes qui ont gagné en F1. J’ai aussi le droit d’assister à des séances de simulateur, notamment quand Max Verstappen roule dans le simulateur. Même si la plupart du temps, je me concentre sur mon travail et sur le simulateur F2.
Tu es passé assez rapidement de la F4 à la F3 puis à la F2. Quelle a été la transition la plus difficile pour toi ?
Le passage de la F3 à la F2. C’est une voiture compliquée à piloter, elle est lourde, tout change. Et puis le niveau est beaucoup plus élevé. La moindre erreur que l’on fait, on la paie cash. Aussi tout ce qui est dégradation des pneus, la course plus longue le dimanche… Tout est plus compliqué en F2.
Justement, comment est-ce que tu te prépares physiquement et mentalement pour les courses et pour les week-ends ?
J’ai mon physio à moi, cela fait trois ans que je suis avec lui, je passe un peu ma vie avec lui. On se voit tout le temps sur les pistes et si ce n’est pas le cas, on se voit à Paris. J’ai le programme que je suis toute l’année. Si on est tous les deux sur Paris, on se voit tout le temps et s’il n’est pas là, je suis mon programme.
En quoi consiste-t-il, ce programme ?
Six jours par semaine d’entraînement, deux heures par jour.
Tu avais déjà évoqué ton ambition d’atteindre rapidement la F1. Quels sont tes objectifs pour cette saison pour réaliser ce rêve ?
Pour l’instant, je me concentre juste sur finir la saison de manière forte, et puis on verra pour la prochaine saison, je n’ai pas de plan du tout. Je sais que je serai toujours chez Red Bull, ça c’est bien, mais quel championnat, quelle équipe, je l’ignore. L’objectif, c’est juste de finir la saison de manière très forte, il reste quatre courses et on va juste donner le maximum, essayer de gagner.
Est-ce que tu considères que ton jeune âge est un point fort pour attirer des équipes de F1 ?
Je pense que si on fait des résultats assez solides, on a certainement l’avantage d’être jeune, ça peut paraître plus impressionnant que quelqu’un qui a vingt-et-un ans, vingt-deux ans, et puis ça peut aussi être une excuse quand on sous-performe. Donc oui, c’est sûr que c’est un avantage d’être jeune, ça c’est clair.
Tu fais à nouveau partie de l’équipe Hitech en F2 cette année, que penses-tu d’avoir cette continuité avec eux, quels sont les avantages que tu vois dans la collaboration un peu plus sur le long terme ?
Pour moi c’était naturel d’être avec eux, même si ça ne se passe pas comme je l’aurais voulu. Les processus, leur manière de travailler, j’aime bien. Au final, ce ne sont pas les mêmes ingénieurs, ce ne sont pas les mêmes personnes, mais ça reste les mêmes méthodes, donc pour moi, ça me paraissait normal de rester avec eux.
Est-ce que ça aurait été plus dur de commencer en F2 avec une autre équipe par exemple ?
Honnêtement, je ne pense pas, parce que c’est un championnat tellement différent qu’au final, tu oublies tout de ce que tu as fait en F3. Et puis j’ai mes habitudes avec eux, donc je suis content de les garder.
Tu as déjà mentionné tes difficultés à t’adapter en F2, la voiture est compliquée, comment est-ce que tu travailles de week-end en week-end pour essayer d’apprendre un peu plus, de t’améliorer à ce niveau-là ?
Même sans travailler, c’est l’expérience que tu accumules chaque week-end qui est énorme. Le roulage est assez limité, il n’y a que 14 meetings. Après le premier meeting, j’ai vraiment eu l’impression de ne rien connaître, je me suis vraiment senti comme un vrai rookie. Là, après dix courses, quand même, je commence à mieux comprendre la voiture et je me sens meilleur à chaque fois que je monte dedans. Je me sens à chaque fois plus en confiance.
Est-ce que tu analyses souvent les données avec tes ingénieurs, tu travailles là-dessus aussi ?
Oui absolument, on passe plus de temps à travailler, à regarder des datas, à être sur le simulateur qu’à rouler dans la voiture. Ce n’est que ça, le plus de travail que tu peux faire en dehors de la voiture, le mieux préparé tu seras quand tu rentres dans la voiture.
Et ça, est-ce que c’est une grosse différence par rapport à la F3 ?
Oui très. Honnêtement, la F3, je pense que ça se fait plus au feeling, c’est plus facile à piloter, puis même mon style de pilotage qui convenait vraiment à cette voiture, c’est différent. Là je dois me forcer à faire des choses que je ne ferais pas d’habitude, la voiture est assez particulière.
Concernant cette saison de F2, quel serait le bilan que tu en tires actuellement ?
Je pense que c’était très irrégulier. Il y avait des week-ends où on était super rapides et j’ai pas su mettre tout bout à bout. Je pense au week-end de Bakou où on avait les voitures pour faire la pole et j’ai tapé le mur, donc c’était dur à avaler. Puis il y avait les week-ends où je marchais bien et puis j’avais un problème mécanique comme à Monaco, je perds une victoire là-dessus. Donc c’est assez up-and-down, et puis je dirais que j’ai un peu pêché en qualifications, ce n’était pas facile. Mais là, récemment, les deux dernières courses, on a été très proches de la pole, donc il y avait une bonne voiture, je commence à comprendre le truc. Et c’est motivant aussi.
Est-ce que c’est aussi une question de pression, que parfois t’aurais du mal à gérer ?
Je pense que ça joue oui, clairement, la pression et l’envie de toujours vouloir être en pole, même quand ce n’est pas possible. Du coup, ça mène à des grosses erreurs. Mais j’ai quelqu’un qui m’aide, quelqu’un de Red Bull, à mieux gérer cette pression.
À part le stress, qu’est-ce que tu aimerais améliorer, et au contraire quels sont tes points forts ?
Je dirais que je suis un pilote assez complet, après, il y a à s’améliorer partout, mais je pense que ma plus grosse force, c’est que je suis un bon racer et que mon rythme de course a toujours été très bon. Après, comme je l’ai dit, je pense que sur l’exercice de la qualification, je suis un peu moins bon. Mais je pense que c’est quelque chose qui vient juste avec l’expérience. C’est une séance assez particulière, et on a fait de bonnes qualifications récemment, on était près de la pole.
Pour venir un peu à ta collaboration avec ton coéquipier Jak Crawford, comment ça se passe ? Est-ce que ça t’aide aussi pour comprendre la voiture et t’améliorer ?
J’ai un bon coéquipier cette année, et puis on s’entend super bien en dehors, donc c’est cool. Après, on a toujours envie de finir l’un devant l’autre, mais en tout cas, c’est chouette d’avoir un mec vraiment rapide et sur qui s’appuyer. Par exemple je finis ma séance d’essai libre, je vois que sur cinq virages, il était plus rapide que moi, c’est super intéressant d’aller regarder comment il a fait et pourquoi. Avant ça, j’avais l’impression d’être un peu plus seul. Je n’étais pas assez challengé, mais là cette année, je me sens normal.
Pour revenir plutôt à ce week-end-ci, est-ce que tu penses que le circuit de Spa est plutôt une force ou une faiblesse pour toi ?
Je dirais plus une force, j’ai toujours été très rapide sur cette piste, très malchanceux, mais en tout cas, j’adore le tracé. Ils disent qu’il pleuvra un peu tout le week-end, donc je suis un peu dégoûté. J’aime bien rouler sur sec ici, c’est l’un des meilleurs tracés au monde.
Du coup, quel serait ton objectif pour ce week-end ? Est-ce que tu vises une place ou un top en particulier ?
C’est plus, je donne tout et je verrai, mais à Silverstone, on était à deux-dixième de la pole, et on était neuvième, à Budapest, on était à trois-dixième, on était cinquième, et là, si je pouvais aller chercher le top trois, ce serait cool.
Il y a eu l’accident de Dilano Van’t Hoff récemment. Est-ce que tu penses que ce circuit peut être dangereux, qu’il pourrait y avoir des changements ?
Je pense que c’est toujours dangereux. Si il y a une course sous la pluie, et que ça pleut beaucoup, je ne serais pas partant pour y aller. Du moment que c’est sur le sec, ça va, mais si les conditions, à ce moment-là, sont compliquées et qu’on a du mal à voir, il ne faut pas hésiter (à ne pas rouler, NDLR). C’est ça, le vrai problème, c’est la solution la plus facile.
Hitech a annoncé son intention de faire son entrée en F1 en 2026. Comment est-ce que tu vois cette annonce, est-ce que tu penses que cela aura un impact sur ton entrée en F1 ?
Honnêtement, absolument pas, moi c’est Red Bull, et là on parle de 2026, donc, dans longtemps… J’espère être déjà en F1 d’ici-là. Red Bull tous les jours (rires). Mon objectif c’est de rester le moins longtemps possible en F2.
Est-ce que tu as souvent des contacts avec la hiérarchie chez Red Bull ?
Oui, avec Helmut Marko, tout le temps. C’est lui qui décide où je vais, ce que je fais, quel championnat, quelle équipe, voilà.
Sachant ce qu’il s’est passé avec Nyck de Vries, est-ce que tu gères bien la pression de Marko?
Oui, j’ai de la chance, honnêtement, il m’aime bien. Il aime bien quand ça performe, il t’aime moins quand ça ne performe pas. (rires)