Quel avenir pour le Grand-Prix d’Australie ?
Depuis quelques années, nul autre Grand-Prix de Formule Un ne fait autant débat que celui d’Australie, disputé dans l’Albert Park de Melbourne.


« A chaque fois que je viens ici, nous assistons à ce débat, toute cette discussion contre le Grand-Prix, et nous ne voyons ça nulle part ailleurs » constate David Coulthard dans les colonnes du Herald Sun.
En effet, bien qu’ayant enregistré, en 2010, avec ses 305.000 spectateurs, sa meilleure affluence depuis 2005, le Grand-Prix d’Australie est loin d’atteindre les 400.000 spectateurs de 1996 ou encore des 360.000 personnes venues assister à la course de 2005. Résultat, le Grand-Prix d’Australie affichait, en septembre dernier, un déficit record de 49 millions de dollars, soit 10 millions de plus qu’en 2008 et 2009, et près du double des pertes enregistrées en 2006.
Pour Craig Ingram, parlementaire de l’état de Victoria, ces pertes sont « outrageuses » et l’organisation du Grand-Prix tourne à la « plaisanterie » : « […] On lutte pour subventionner les services de santé, l’éducation, […] pour des routes et d’autres infrastructures, et nous renflouons une course de milliardaires […] : je pense qu’il faut revoir nos priorités ».
Tim Holding, un des ministres de l’état, invite quant à lui, à prendre plus de recul : « [Le Grand-Prix] a été vu par près de 12.8 millions de personnes en Europe cette année et l’exposition médiatique massive a contribué à nous construire une réputation mondiale. »
Si la Formule Un constitue en effet une excellente vitrine pour la ville de Melbourne et l’Etat de Victoria, son organisation pose cependant deux problèmes majeurs.
Tout d’abord, le Grand-Prix se dispute sur un circuit temporaire qu’il convient de monter et démonter chaque année, ce qui coûte nécessairement plus cher que s’il se disputait sur un circuit permanent. C’est pour cette raison que des solutions alternatives ont été envisagées soit sur le circuit de Calder Park, proche de Melbourne, qui dispose d’un accord avec la Fédération Australienne de Sport Mécaniques et l’état de Victoria, soit sur un nouveau tracé construit près de l’aéroport d’Avalon, à Melbourne. Or, pour Ron Walker, le promoteur du Grand-Prix, « seul l’Albert Park met réellement en avant la ville de Melbourne »
Mais le Grand-Prix d’Australie est aussi victime de sa situation géographique et du décalage horaire. Si pour de nombreux fans, un Grand-Prix de Formule Un à 4h du matin a une atmosphère particulière et un goût d’exclusif, pour Bernie Ecclestone, il s’agit d’un manque à gagner considérable. Ainsi le grand argentier de la Formule Un a-t-il saisi la balle au bond en négociant une prolongation du contrat du Grand-Prix sous condition du report du départ à 17h, permettant un horaire de diffusion plus décent en Europe. Mais l’édition 2010 s’était terminée à la tombée de la nuit alors que le circuit d’Albert Park n’est pas équipé d’un dispositif d’éclairage, offrant ainsi une nouvelle dimension au débat sur l’avenir du Grand-Prix. Pour Bernie Ecclestone, Melbourne doit accueillir une course de nuit mais pour les autorités locales, cela ne ferait qu’augmenter les frais d’organisation.
« Le problème avec l’Albert Park, c’est qu’il s’agit d’un parc de 300 hectares et qu’une course nocturne nécessite d’éclairer, non seulement la piste, mais aussi le reste du parc pour assurer une sécurité maximale. Trop cher. Mais le coût de construction d’un circuit à cet effet […] est tout aussi intenable. » déclarait en janvier dernier le maire de Melbourne, Robert Doyle, qui doit déjà faire face aux revendications « écologistes » des défenseurs de l’Albert Park.
Pour Doyle, la solution serait de maintenir le Grand-Prix là où il se trouve, mais « cela nécessiterait qu’Ecclestone admette que le Grand-Prix d’Australie ne se disputera jamais de nuit […]. »
« Amener le Grand-Prix à Melbourne […] devrait rester comme un coup de génie. L’état de Victoria était la cinquième roue du carrosse depuis des années. La ville était en plein marasme » reconnait Robert Doyle qui ne se fait cependant pas d’illusions sur l’avenir du Grand-Prix.
« Je sais qu’aucune ville n’a jamais volontairement rejeté un Grand-Prix, mais Melbourne peut-elle être la première ? […] Nous pouvons toujours dire que ça aura été 20 années fantastiques, les bénéfices pour la ville et l’état ont été énormes, mais le cycle arrive à son terme. »
Si pour Bernie Ecclestone, la Formule Un n’a « pas besoin de l’Australie », il n’entend cependant pas faire le premier pas vers une rupture de contrat.
« L’Australie est aussi importante pour nous que Monaco » déclare le britannique à l’agence Reuters. « Nous détesterions penser que nous puissions perdre l’Australie. […] Dans le cas de Melbourne, si le produit est trop cher pour eux, nous le comprenons et quand le contrat arrivera à son terme, […] nous ne forcerons personne à acheter un produit qu’ils ne veulent pas […] »
Toujours est-il que Bernie Ecclestone, qui avait prévu de venir à Melbourne ce week-end pour discuter de l’avenir du Grand-Prix, a préféré changer de destination à la dernière minute en se rendant à New-York où l’on subodore des négociations pour l’arrivée prochaine de la Grosse Pomme au calendrier de la F1. De quoi reporter à la saison prochaine le débat sur l’avenir du Grand-Prix d’Australie qui pourrait, cette année encore, enregistrer des pertes record malgré l’effet Mark Webber.