Les écuries s’opposent au retour des essais privés
Ce n'est pas gagné pour 2012, mais Jean Todt y pense sérieusement pour 2013.


A l’occasion du Grand Prix de Turquie, Jean Todt a rouvert le débat sur la limitation des essais privés en émettant l’idée d’une réintroduction, partielle, des essais privés en cours de saison. Ces derniers avaient en effet été prohibés à l’orée de la saison 2009 dans un objectif de réduction des coûts, cher à Max Mosley, le Président de la FIA, à l’époque.
« Pour moi, c’est une décision stupide de ne plus avoir d’essais pendant la saison », déclarait Jean Todt, actuel président de la FIA, lors du Grand Prix de Turquie. « Dans la passé, c’était insensé d’avoir des essais illimités pendant la saison, mais passer du tout au rien, ce n’est pas la bonne mesure. Ça ne permet pas aux jeunes pilotes de faire des tests, ça ne leur donne pas d’opportunité de prendre de l’expérience à bord d’une F1, et je vais m’assurer que cette situation change à l’avenir. »
La limitation des essais privés avaient en effet montré ses limites à l’occasion du premier Grand Prix de Jaime Alguersuari, totalement inexpérimenté à bord d’une Formule Un, avant de les atteindre après l’accident de Felipe Massa où la Scuderia Ferrari n’avait pu faire rouler ses pilotes remplaçants dans des conditions optimales afin de leur permettre de s’adapter à la nouvelle donne technique, avant leur grand retour au volant d’une Formule Un. Le règlement sur les essais avait d’ailleurs été amendé afin d’éviter ce genre de situation, en intégrant une séance réservée aux jeunes pilotes, en fin de saison.
Jean Todt milite donc depuis pour la réintroduction de journées d’essais pendant la saison mais devra pour cela recevoir l’approbation de toutes les écuries avant la Commission de la Formule Un qui se réunira le vendredi avant le Grand Prix d’Europe, disputé à Valence. Mais cela semble loin d’être gagné, à en croire les déclarations de quelques responsables d’écuries.
« Je pense que l’équilibre actuel est bon » affirme Christian Horner [Red Bull Racing] dans les colonnes d’Autosport. « Peut-être pourrions-nous rouler un peu plus le vendredi ou avoir quelques trains de pneus supplémentaires, ce qui encouragerait les écuries à faire rouler de jeunes pilotes. »
Mais le principal problème que met en avant le patron de Red Bull, est avant tout d’ordre économique : « Le problèmes avec les essais, c’est que dès que vous les réintroduisez, vous réintroduisez les équipes d’essais et les coûts grimpent. […] Alors, je pense que l’équilibre que nous avons avec les essais de pré-saison et les essais de jeunes à la fin de saison est le bon et qu’il est financièrement bénéfique, pas seulement pour les grosses écuries, mais aussi pour les petites. »
Otmar Szafnauer [Force India] opine du chef : « Nous faisons déjà 19 à 20 courses et notre équipe est déjà beaucoup sollicitée. Maintenant, on va leur demander de faire deux ou trois séances d’essais en plus. On verra à nouveau deux équipes et, dès que vous avez deux équipes, les coûts montent. »
Martin Whitmarsh [McLaren] abonde lui aussi dans le sens de ses deux confrères, auprès de l’agence Reuters : « Beaucoup d’équipes aimeraient faire plus d’essais mais nous devons être respectueux à l’égard des petites équipes. Il nous faut limiter les coûts. »
Mais Jean Todt contredisait, dès dimanche, l’idée selon laquelle la limitation des essais améliorait l’équité entre petites et grandes écuries : « On ne peut pas revenir à des essais illimités, mais les écuries ont maintenant des outils de simulations dans leurs usines, alors on ne peut pas parler de réduction des coûts pour les grosses écuries. »
En effet, il suffit de se pencher sur le cas du DRS, finalement autorisé à Monaco, pour la simple raison que, contrairement aux grosses écuries, les plus petites n’avaient pas les moyens de concevoir un aileron type Monaco – sans DRS – à temps pour le Grand Prix, pour constater que, certes louables, ces objectifs d’équité, sont contredits par la réalité des faits : les écuries de pointes bénéficient d’une force de frappe que n’ont pas les écuries plus modestes. McLaren et Red Bull ont d’ailleurs été montrées du doigt pendant l’intersaison pour avoir dépassé, de plusieurs millions, les objectifs de réduction des coûts, fixés par la FOTA.
De son côté, Otmar Szafnauer s’interroge : « Pourquoi revenir en arrière ? Il y a des choses fondamentales, quand j’étais chez Honda, sur lesquelles nous n’étions pas d’accord mais, avec le recul, je pense que nous avions tort et que Max [Mosley] avait raison. Nous utilisions un moteur spécifique pour les qualifications. Quelle dépense ! Pour quoi ? Pour rien » confie-t-il à Autosport avant de continuer : « Le parc fermé. Encore une chose fondamentale. […] ça n’a pas tué le spectacle. Des moteurs qui durent plus longtemps que ce qu’ils avaient l’habitude de durer, […] des boîtes de vitesses qui durent plus qu’elles n’en avaient l’habitude […], toutes ces choses ont fait baisser les coûts et n’ont pas tué le spectacle. »
Seule voie, cependant, à s’élever publiquement en faveur de la proposition de Jean Todt, celle de Luca di Montezemolo pour le compte de Ferrari : « Nous ne pouvons pas faire d’essais, nous entraîner. La F1 est le seul sport professionnel au monde où vous ne pouvez ni vous entrainer, ni faire des essais » expliquait-il sur CNN.
La Scuderia Ferrari ne peut, en effet, qu’y être favorable, elle qui, pendant longtemps, privilégia quasi-exclusivement le développement de ses voitures sur la piste plutôt qu’en soufflerie ou en simulateur comme c’est le cas depuis des années chez McLaren : le kilométrage en essais de Luca Badoer peut en témoigner. La réduction des essais n’est sans doute pas sans rapport avec la fin de l’hégémonie technique de Maranello. Aujourd’hui la conception des monoplaces et leur développement se fait en soufflerie et en simulateur, des domaines dans lesquels Ferrari peine à rattraper son retard comme en témoignent les problèmes rencontrés par l’écurie italienne avec sa soufflerie, à l’origine, officiellement, des problèmes de la 150° Italia.
Il y a donc peu de chances de voir les essais privés réintroduits – même partiellement – dès 2012, faute d’accord des écuries, mais leur retour pourrait être à l’ordre du jour en 2013, la FIA n’ayant alors pas besoin de leur accord. En attendant, les écuries pourront toujours mettre à profit les séances d’essais en ligne droite ou encore les opérations commerciales (tournages de films publicitaires et roadshow) pour faire quelques essais supplémentaires.