Le président du Grand Prix de Bahreïn règle ses comptes
Zayed Alzayani ne digère toujours pas le comportement de certains acteurs du grand cirque de la F1, un mois après l'annulation définitive du Grand Prix du Bahreïn.


Zayed Alzayani, président du Grand Prix de Bahreïn, était présent à Silverstone, à l’occasion du Grand Prix de Grande-Bretagne, remporté par Fernando Alonso, « une très bonne course, un résultat mérité et de nouvelles installations qui ont fait une grande différence, » assure le Bahreïni dans un entretien accordé au London Evening Standard.
Après ses politesses, le reste de l’entretien vire au vitriol, Alzayani réglant ses comptes avec la F1 après le feuilleton de l’annulation du Grand Prix du Bahreïn. Premières victime du bahreïni, les écuries qui avaient invoqué les Droits de l’Homme pour justifier leur opposition au Grand Prix : « Ils vont aller aux Etats-Unis l’année prochain, » rétorque l’homme d’affaire de 42 ans. « Et Guantanamo ? Ce n’est pas une violation des Droits de l’Homme ? Comme me l’a dit Bernie, « si le respect des Droits de l’Homme était le critère pour accueillir une course de F1, alors nous n’irions qu’en Belgique et en Suisse à l’avenir ». »
Alzayani regrette d’ailleurs la confusion, faite selon lui, entres les différents mouvements protestataires dans le monde arabe. « Il y a la Tunisie et l’Egypte qui sont des mouvements nationalistes. Ensuite, vous avez la Lybie, le Yemen et la Syrie où les dirigeants usent de tout l’arsenal à leur disposition pour rester en place. Vous y voyez des personnes se faire tuer chaque jouer. Bahreïn n’est ni l’un, ni l’autre. Sa Majesté, le Roi Hamad, n’est pas Mouammar Khaddafi ou Bashar El Assad. Il a levé l’état d’urgence et a diligenté des observateurs de renommée internationale pour surveiller la situation. Le dialogue national est en cours. »
Un « dialogue », où les révoltés ne semblent jouer qu’un rôle mineur, selon certains observateurs, et qui aura malgré tout fait 31 tués lors des répressions de l’armée contre les protestants, sur la Place de la Perle.
La situation avait d’ailleurs provoqué l’annulation du meeting GP2 Asia Series pour des raisons de disponibilité des ambulances selon Alzayani : « Nous devions avoir minimum 18 ambulances pour que la course ai lieu et, à cause des émeutes et du nombre de blessés dans la population, toutes les ambulances étaient mobilisées pour le transport des protestants, nous ne pouvions donc pas disputer la course. »
Rapidement, les essais hivernaux prévus sur le circuit de Sakhir furent à leur tour annulés avant que le Grand Prix ne soit reporté, la FIA ayant prévu de décider du sort final de la course, au plus tard, au 1er mai 2011. La Fédération Internationale de l’Automobile avait ensuite de nouveau reporté sa décision, attendant la levée de l’état d’urgence, pour se prononcer. Si le Conseil Mondial avait abouti à la réintégration du Bahreïn au calendrier, la réaction des principaux acteurs de la F1 et les inquiétudes des écuries pour leur sécurité, avait poussé le Royaume a renoncer définitivement à son Grand Prix pour la saison 2011.
« Il y a eu un vote unanime des 26 membres du Conseil Mondial. Bernie a voté pour. Le 8 juin, je l’ai rencontré à Londres et il m’a dit qu’il y avait des résistances parmi les équipes mais que si nous le souhaitions il nous appuierait pour le maintien de la course, nous proposant même l’option de l’organiser le 4 décembre » confie l’homme d’affaire bahreïni.
« Je ressens de la déception parce qu’en trois mois, nous sommes passés d’une extrémité à l’autre, de « Oh, vous êtes notre destination favorite, nous adorons être ici, nous nous sentons comme à la maison au Bahreïn » à « Nous ne voulons pas aller au Bahreïn ». Oui, il y a eu des évènements entre temps mais on ne peut pas être aussi versatile » affirme Alzayani, même s’il concède cependant avoir renoncé à l’organisation du Grand Prix afin de « ne pas attiser les tensions avec les équipes. »
L’homme d’affaire remet cependant en cause la réaction de Max Mosley qui affirmait alors que la Formule Un aurait dû « passer sur [son] corps » pour aller au Bahreïn, s’il avait encore été Président de la FIA. Le Britannique s’était d’ailleurs étonné que l’inspection soit menée par Carlos Gracia, responsable de la Fédération Espagnole des Sports Mécaniques, alors qu’il ne parle ni l’anglais ni l’arabe.
« Ça vous montre à quel point Max Mosley est naïf ,» rétorque Alzayani. « Il y avait des traducteurs. Je n’ai pas besoin de parler chinois pour faire des affaires en Chine. Max parle beaucoup et n’est pas très précis. Il parle de moralité : si j’étais lui, je ne voudrais probablement pas utiliser le mot de « moralité », » réagit le Bahreïni en faisant allusion aux frasques sexuelles de l’ancien président de la FIA qui avaient été révélées par le News of the Wolrd. « Je pense que Max a une dent contre le Bahreïn parce qu’il n’a pas été invité à assister au Grand Prix » pense savoir Alzayani.
De son côté, Max Mosley s’explique : « Ça n’avait rien à voir avec ça ou avec le fait que Gracia ne parle pas l’anglais. Bien évidemment qu’il y avait des interprètes mais Gracia n’est pas un avocat. La FIA aurait dû envoyer un avocat spécialisé dans les Droits de l’Hommes. Le monde de la Formule Un ne semblait pas apprécier que Bahreïn utilise le Grand Prix pour justifier la suppression des Droits de l’Homme. »
Mais le Britannique n’est pas le dernier à faire l’objet des critiques acerbes du Président du Grand Prix du Bahreïn, puisque Mark Webber, qui est le seul pilote à s’être publiquement opposé à un retour à Sakhir, en 2011, en prend également pour son grade : « Ouais, il a parlé des Droits de l’Homme et de tout ça. Mais l’Australie n’a-t-elle pas des problèmes avec les Aborigènes ? Je n’ai pas entendu Mark Webber en parler. Pourquoi s’est-il opposé à Bahreïn, je ne sais pas. Il est venu y courir de nombreuses fois et il a adoré ça. Nous n’avons jamais reçu aucune critique lors des sept dernières courses. Nous avons toujours reçu de très bonnes notes pour notre organisation et tous ceux qui sont impliqués en Formule Un nous adorent » explique Alzayani, dont le Grand Prix inaugural reçut la récompense de la meilleure organisation, décernée par la FIA.
L’homme d’affaire est d’ailleurs convaincu que Bahreïn reste « la maison de la Formule Un dans le Golfe » et s’enorgueillie de faire plus d’efforts que la Grande-Bretagne pour la promotion de son Grand Prix : « A Silverstone, on sent la course sur la piste [mais] on ne voit rien à l’aéroport, peut-être une petite bannière, mais rien à Londres. A Oxford Street [ndlr : l’avenue commerçante la plus longue du monde], personne ne sait que le Grand Prix a lieu. Si ça avait été au Bahreïn, vous auriez vu des posters, des tracts et des publicités dans chaque commerce, à chaque coin de la ville. Pour nous, le Grand Prix est définitivement l’évènement le plus important de l’année. Nous le préparons longtemps en amont, c’est une vitrine pour Bahreïn, ça transforme le pays et change l’état d’esprit de la population. C’est plus important que Silverstone, la FA Cup, le Derby et le course de chevaux du Grand National confondus. »
C’est d’ailleurs la grande différence qui oppose la Grande-Bretagne, et avec elle la plupart des nations historiques de la F1, et les nouveaux pays, comme le Bahreïn, qui, eux, n’accueillent que le Grand Prix ou à peine plus.
Toujours est-il que, si la Formule Un n’ira pas au Bahreïn en 2011, elle y sera de retour en 2012, en ouverture de saison, le 11 mars, un an à peine après les évènements de la place de la Perle. Alzayani n’en semble cependant pas aussi sûr, alors que le calendrier 2012 n’est encore que provisoire . « Je ne sais pas quand la course aura lieu l’année prochaine. Ça ne dépend pas de nous. »