Entretien avec Kym Illman, l’interview complète
Lors de son passage Bahreïn pour assister aux essais hivernaux, Kym Illman nous a accordé une longue interview dans laquelle il s’exprime sur son métier de photographe F1.


Devenir photographe F1, une bonne idée ?
Si tu as beaucoup d’argent et veux devenir pauvre c’est la meilleure manière d’y arriver. C’est très difficile, il n’y pas de boulot. Si tu es un des meilleurs photographes du monde, peut-être que tu peux réussir à entrer chez Getty et tu gagneras peut-être assez ta vie, mais ils sont si peu, il y aussi LAT avec quelques photographes. Mais depuis le temps que je suis en F1, je n’ai jamais vu de nouveaux photographes [NDLR : avec ces agences].
Il y a soit des personnes très expérimentées, soit des personnes qui font une course pour un magazine et dans ce cas vous allez voyager dans les hôtels les plus bas de gamme, les vols les moins chers et si vous êtes chanceux vous trouverez peut être une place. C’est très dur.
Sinon il faut faire ce que j’ai fait depuis 5 ans, ce qui revient à très cher et vous n’êtes pas sûr d’avoir un retour sur votre investissement donc ce n’est vraiment pas un métier que l’ont fait pour être riche clairement.
Vous devez payer pour l’assurance, les visas, les logements, les vols… ce n’est pas si cher si vous êtes basés en Europe mais je pourrais pas trouver la réponse pour vous. C’est très dur et je ne sais pas ce que la F1 cherche actuellement.
Par contre si vous y arrivez, c’est fou. Il y a beaucoup d’attente, ce n’est pas très confortable, pour certains ça vaut le coup. Lorsque vous passez du temps dans le paddock, vous vous rendez compte que tous les gens sont vraiment sympas, sont des gens comme les autres.
Comment rester créatif et inspiré en prenant autant de photos ?
Je regarde souvent tout ce que les autres font.
Je m’arrête souvent aussi sur la piste en regardant mes photos et je me demande si elles sont bien après quelques minutes. Je suis très critique. Je demande aussi à d’autres photographes ce qu’ils ont eu comme idées. Je me mets beaucoup de pression pour faire mieux année après année. J’utilise un ND Filter maintenant pour photographier à 1/6eme de seconde ce qui est vraiment difficile car c’est comme si vous m’étiez des lunettes de soleil devant l’objectif. Comme ça je peux avoir un effet de filet, je commence à bien y arriver. Mais dans une session d’une heure, vous n’avez pas beaucoup de temps pour être créatif, il faut prendre les voitures, avec un peu de flou en arrière plan et c’est d’abord la priorité.
Si vous ne deviez apporter qu’un seul objectif photo sur un circuit, lequel serait-ce ?
70-200mm. Je pourrais photographier tout un weekend comme ça. Ce ne serait vraiment pas l’idéal mais la plupart des gens ne se rendraient pas compte de la différence.
Le plus gros objectif que j’ai est un 600mm, je peux donc être très loin de l’action mais avoir une belle image. J’ai aussi un 15-35mm que j’utilise en parc fermé pour être au plus près des pilotes. Donc de 15mm à 600mm, c’est tout une étendue de choses qu’on peut faire. Mais avec le 70-200, je peux presque faire tout ce que je veux aussi. Si vous êtes à un mètre de moi avec le 70mm ce sera un peu serré mais j’ai juste à reculer un peu. Si la voiture est loin, elle parait un peu plus petite qu’avec un 600 mm mais je peux agrandir l’image.
Ça permet aussi d’avoir un paysage derrière les voitures et ça donne du contexte. Je veux montrer où on est. En Australie, je dézoome un peu et je montre la forêt. A Bakou, je dézoome un peu et montre la vieille ville. A Monaco, ça me permet de shooter entre les rails et de voir les sponsors derrière.
J’utilise régulièrement un 15 35, 50mm, 135mm, 70 200, 500 et peut être si je peux un extra, un 85mm. En général j’ai toujours un appareil photo avec le 70 200 et puis sur l’autre appareil je change l’objectif pour mettre soit un plus longue-porté, soit un plus court.
On vous voit souvent dans le paddock, devant les portiques d’entrées. Combien de temps attendez vous les pilotes ?
Les pilotes peuvent venir quand ils veulent sur le circuit de 1h avant à 7h avant. Donc si je ne veux pas les rater je dois les attendre à l’entrée. J’attends parfois très longtemps, parfois en une heure il n’y a personne et parfois d’un coup il y en a deux à deux entrées différentes donc vous en manquez un. Ça fait partie du jeu.
Lewis [Hamilton] vaut le coup qu’on l’attende car c’est une garantie d’avoir un gros engagement sur les réseaux sociaux parce qu’il est bon en ça et les gens veulent voir comment il est habillé.
Clairement depuis 2 ans il est plus enclin à être photographié peut-être parce qu’il a des contrats avec des marques. Ce n’était pas aussi facile il y a quelques années.
Être seul pour couvrir tout un Grand Prix, est-ce suffisant ?
Non, je préfère être seul. Parfois je passe un accord avec un autre photographe pour échanger des photos quand il y a deux entrées différentes mais clairement je suis un peu égoïste et je ne suis pas un bon équipier donc je reste seul.
Quel est votre meilleur souvenir d’un Grand Prix ?
Je parle souvent du Grand Prix de Bakou 2021.
J’ai pu photographier l’accident de Max Verstappen, j’étais aussi là au premier virage quand Lewis Hamilton a raté le freinage. C’était tellement inattendu et spectaculaire. C’est une des mes courses favorites. Mais bien sûr il y a des événements comme le gros accident de Zhou ; J’étais pas loin de là où la F1 est tombée et c’est vraiment vraiment impressionnant.
Vous nous avez parlé d’une IA, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je ne dirais pas ce que c’est, mais vous serez vraiment étonnés. Des gens très intelligents ont bossé dessus, je ne pense pas que ce sera en place pour le premier Grand Prix mais vous allez voir après l’Australie quelque chose que vous n’avez jamais vu.