Alain Prost : "Le sport automobile se joue aussi dans le mental"
Le quadruple champion du monde est revenu sur la bataille entre les deux pilotes McLaren en ce début de saison. Si leur rythme semble très similaire, le Français pense que Piastri est en train de remporter la bataille psychologique.


Il n'y a pas que la vitesse qui compte en F1. Cette phrase peut sembler paradoxale, compte tenu du principe même du sport, avec des voitures qui roulent chaque année de plus en plus vite, mais elle cache néanmoins une réalité, et elle se matérialise cette année entre les deux pilotes McLaren. Si Norris et Piastri affichent un rythme et des performances quasiment identiques (5-3 pour Piastri en course, 4-4 en qualifications), leurs personnalités sont, en revanche, très différentes.
L'Australien est un pilote discret, parfois presque froid devant les médias. Une timidité qui s'efface lorsqu'il est sur la piste, où il montre tout son talent. Vainqueur déjà de quatre Grand Prix cette saison (Chine, Bahreïn, Arabie Saoudite et Miami), l'ancien protégé d'Alpine est leader du championnat du monde alors qu'il ne dispute que sa troisième saison en F1 après avoir successivement remporté la Formula Renault Eurocup en 2019, le championnat de F3 en 2020 et celui de F2 en 2021.
Une communication plus directe chez Norris
De son côté, le Britannique est beaucoup plus expressif. Devant les caméras, il est toujours prêt à reconnaître son erreur et remet souvent en question son niveau de performance. Cette posture, incarnant une forme de transparence, lui met néanmoins une pression constante et cela se ressent sur la piste. Le vice-champion du monde 2024 semble moins déterminé dans ses tentatives de dépassement, sans doute afin d'éviter tout risque d'accrochage avec ses rivaux. Face à Max Verstappen, il a mis plusieurs tours avant de dépasser le pilote néerlandais qui dispose pourtant d'une monoplace beaucoup moins performante. Une pression qui s'intensifie avec un coéquipier de plus en plus confiant, ce qui amène Norris à encore plus attaquer et à commettre des erreurs comme lors des qualifications en Arabie Saoudite.
La F1, un sport qui ne se joue pas uniquement sur la piste
Pour Alain Prost, ce retournement de situation n'est pas dû à une baisse de rythme pour Norris, mais plutôt à une perte de confiance. « Le sport automobile se joue évidemment sur la piste », a déclaré le champion du monde français à L'Équipe. « Les réflexes et le talent naturel des pilotes sont évidemment essentiels. Mais le sport automobile se joue aussi dans le mental. Aujourd'hui, tout se montre, tout se vit, tout se sait. De nombreux pilotes succombent à cette tendance, mais je pense qu'en agissant ainsi, ils se mettent une pression insensée ». Une déclaration totalement dirigée vers le Britannique dont la position autocritique le fragilise au quotidien.
« Plus on se montre, plus on se fragilise. Lando est un pilote que je respecte énormément, mais si j'avais un conseil à lui donner, ce serait de se taire et de ne pas s'affaiblir ainsi. Les conséquences sont énormes, et pas seulement auprès de ses collègues pilotes. Il y a l'image qu'il diffuse dans l'équipe. Elle est plus importante qu'on l'imagine, parce que cela influe sur les impressions qu'ont les mécaniciens ou les ingénieurs, éléments capitaux. Et puis, il y a les médias qui, aujourd'hui, influent, eux, sur les réseaux sociaux », souligne le Français.
Piastri, une personnalité adaptée aux exigences de la F1 actuelle ?
Le Français en a profité pour évoquer le coéquipier de Norris, Oscar Piastri qui, à l'inverse, communique très peu et ne fait pas beaucoup de bruit dans le paddock. Un silence stratégique qui semble lui convenir parfaitement. « Oscar, que j'ai connu dans les formules de promotion lorsque nous l'avons recruté pour Renault, était déjà ainsi. Taiseux, sans montrer ses émotions, mais je peux vous dire qu'il n'est pas aussi froid qu'on le dit. Il ne montre pas ses émotions, c'est tout. C'est un timide. »
Actuellement, la posture adoptée par l'Australien semble être celle à privilégier. En cachant ses émotions, Piastri se place dans une bulle et est pleinement concentré sur son objectif. De son côté, Norris est plus expansif et construit un lien fort avec le public. Mais cela nuit à ses performances car, dans un monde où tout est regardé et analysé, la moindre erreur commise est très coûteuse aussi bien pour l'équipe que pour le pilote qui fait face à de vives critiques sur les réseaux sociaux.
Lando Norris doit donc impérativement retrouver une forme de confiance, au risque de voir son coéquipier s'envoler en tête du championnat. Le Britannique aura l'occasion de se rattraper la semaine prochaine au Grand Prix d'Imola, un circuit qui lui a bien réussi par le passé (trois podiums sur les trois dernières éditions) et sur lequel il espère à nouveau briller.