WEC : un problème de riches
Alors que la catégorie Hypercar suscite un engouement inédit, l'ACO et la FIA vont avoir du pain sur la planche, y compris avec le GT3 : de nombreux constructeurs sont là et d'autres pourraient toquer à la porte. Mais ne faire que des heureux et accepter le plus de candidats possible relèverait de l'exploit logistique et organisationnel.


Les amoureux de sport automobile doivent certainement se frotter les yeux, se mettre un petit coup sur la tête pour s’assurer que ce n’est pas un rêve : neuf constructeurs (dix si Vanwall sont est en 2024) vont se disputer le classement général en WEC et aux 24 Heures du Mans.
- Toyota
- Ferrari
- Peugeot
- Porsche
- Cadillac
- BMW
- Lamborghini
- Alpine
- Isotta Fraschini
Sans compter l’arrivée d’Aston Martin en 2025 avec la Valkyrie ! C’est absolument inédit. Même si on pourra regretter que Glickenhaus, cette écurie si attachante aux yeux du public, cesse son aventure en LMH.
Toujours est-il que ce plateau de rêve était inespéré après la crise dramatique qu’a subi feu le LMP1. Nissan (même s’ils ne sont venus qu’aux 24 Heures en 2015), Audi et Porsche ont levé le camp, en laissant Toyota seul face aux petites écuries privées. C’est d’ailleurs ce cas de figure qui a fait mettre en place la BoP, que les Japonais ont accepté en attendant le retour d’une concurrence d’usine.
Qui aurait cru dès lors que la nouvelle catégorie reine serait aussi séduisante ? L’ACO et la FIA ont fait un travail remarquable pour redonner à l’endurance ses lettres de noblesse et ça marche. Mais avec les différentes rumeurs autour de nouvelles écuries pour les années à venir, le WEC se retrouve en quelque sorte victime de son succès. Avec une volonté certaine de vouloir contenter tout le monde.
Car avec la ribambelle de marques actuelles et de 2024 s’ajoutera Aston Martin, avec la tant rêvée Valkyrie et son V12, potentiellement Honda avec l’Acura de l’IMSA et, pourquoi pas McLaren. Les rumeurs Hyundai se sont quant à elles éteintes.
On imagine bien que les places seraient limitées et que tout le monde ne pourrait pas avoir sa part du gâteau. Cela demandera évidemment la bonne foi de toutes les parties (constructeurs et organisateurs).
Mais ! Supposons que l’ACO et la FIA fassent le choix d’ouvrir les vannes pour la venue des constructeurs en Hypercar, comment s’y prendraient-ils ? En soi ce serait simple, mais l’équation du GT3 rentre elle aussi en compte…celle de l’hydrogène aussi en 2026 ! On a alors imaginé quelles solutions pourraient être mises sur la table.
*Les hypothèses citées ci-dessous ne sont que des réflexions avec les éléments de contexte actuels. Elles ne reposent sur aucune rumeur, ni quelconque communiqué.
Séparer GT3 et Hypercar en championnat
Cette solution existe déjà en IMSA et les liens tissés avec le WEC pourraient donner cette idée si le plateau venait à se garnir d’avantage.
Admettons que treize constructeurs soient présents en Hypercar (ceux cités plus haut, Vanwall et Aston Martin, en incluant les hypothèses Honda et McLaren) en 2025 : le plateau pourrait s’élever à presque 30 voitures, si ce n’est plus en fonction de l’engagement ou non d’une deuxième voiture d’usine ou des privées. On arriverait vite au total actuel qui est de 36 engagés sur les manches hors Le Mans.
Or, on n’a pas fait venir le GT3 en WEC si c’est finalement pour ne plus en vouloir faute de place ! De la même façon qu’il est tout bonnement infaisable de faire courir 62 voitures sur toute la saison comme aux 24 Heures du Mans.
Du point de vue sportif, la solution de séparer Hypercar et GT3 sur certaines courses ne serait pas forcément bête : le WEC a déjà augmenté son nombre de courses, passant de sept à huit épreuves l’année prochaine. Alors, si l’idée faisait son chemin, des manches supplémentaires pourraient être ajoutées pour cela.
En IMSA, par exemple, le North East Grand Prix et le Michelin GT Challenge sont totalement dévolus aux GTD Pro et GTD. Ce qui garnit un calendrier déjà fourni de deux courses sans les GTP. Une application d’une telle séparation en WEC reviendrait à choisir de nouveaux circuits… ou alors proposer un week-end complet de courses.
Les GT3 se produiraient par exemple le vendredi ou le samedi et les Hypercar le samedi ou le dimanche. Car les GT3 ont aussi un succès énorme à travers le monde, de par le modèle sportif et économique que la catégorie propose. Treize constructeurs en GT3, si on prend cette donnée, donnerait lieu à un contingent de 26 voitures.
Séparer les deux classes pourrait permettre aux constructeurs Hypercar, s’ils le souhaitent et si leur budget le permet, d’engager deux voitures officielles et ouvrir plus de portes aux privés et aux « artisans » tels que Glickenhaus. Et aussi donner le feu vert pour d’autres constructeurs et équipes souhaitant arriver en GT3.
Si on prend le cas le plus extrême, en prenant en compte des engagements d’usine importants et des privés qui arrivent en nombre, on n’a qu’à supposer que les Hypercar seraient 38 (treize marques, plus les structures non officielles). Ce cas est tout de même à prendre avec de grosses pincettes, puisqu’il a une chance sur plusieurs centaines d’arriver.
Encore plus de voitures aux 24 Heures : mission (pour l’instant) impossible
La classique mancelle a ceci de spectaculaire que la gestion du trafic fait partie des qualités indéniables à avoir en tant que pilote d’endurance. Alors, évidemment, les Hypercar et les GT3 doivent courir ensemble.
À plus forte raison que la catégorie GT est venue, à partir de 1994, à la rescousse d’un Groupe C mis à l’agonie par la paire Jean-Marie Balestre/Bernie Ecclestone. Son charme n’a plus quitté Le Mans depuis.
En exposant le cas cité juste au dessus, l’éventuelle quarantaine d’Hypercar se mêleraient à une vingtaine de GT3. Cela sonnerait alors le glas des LMP2 au Mans, qui seraient alors exclusivement tournés vers l’ELMS, pendant que le plateau du WEC serait comblé autrement.
Mais ce qu’on ne prend pas encore en compte, c’est que le plateau Hypercar du WEC que l’on a imaginé pourrait aussi être garni par des voitures invitées. On pense à la Porsche Penske N°75 et à la Cadillac N°311 cette année, qui courent toutes deux en IMSA. Si jamais 40 Hypercar étaient rejointes par d’autres…l’ACO et la FIA seraient obligés de faire des déçus. Ou alors ne plus mettre en place d’invitations.
A supposer que tout le monde puisse venir, on a du mal à imaginer, soyons fou, 50 Hypercar et 26 GT3. C’est tout bonnement impossible avec les installations actuelles. Car ne serait-ce que rajouter trois box demanderait énormément de travaux sur le circuit des 24 Heures. Et ailleurs.
Ce qui signifierait que les plateaux Hypercar et GT3 seraient exactement les mêmes aux 24 Heures que sur le reste de la saison, dans le cas d’une séparation hors Le Mans. Comme c’est le cas aujourd’hui, mais sans les structures invitées du LMP2 et du GT.
Et comme il faut aussi donner une place à des pilotes amateurs qui souhaitent courir, le plateau GT3 devrait être limité en WEC, mais un peu plus garni sur les seules 24 Heures. Un sacré casse-tête quand on imagine un scénario comme celui-là…
Des 24 Heures du Mans exclusivement Hypercar : comme au temps du groupe C
Et quand bien même le GT est devenu indissociable de la course mancelle aux côtés des prototypes, l’engouement inédit des constructeurs pour l’Hypercar constitue un véritable problème de riches (comme décrit dans le titre).
Le travail réalisé pour retrouver une catégorie reine digne de ce nom ne pourrait pas être gâché et il est évident que des choix seraient à faire dans un tel cas de figure. Si jamais le SRO (notamment organisateur des 24 Heures de Spa) avait toute la mainmise sur le GT mondial, alors chacun jouerait dans sa cour : le WEC deviendrait à ce moment-là 100% prototype, soit avec des Hypercar seules, soit avec en plus des LMP2 si pas assez de monde. Ce qui ramènerait l’endurance à son précédent âge d’or, que représentait le diabolique groupe C.
Dans ce cas de figure, une certaine épine serait retirée du pied des organisateurs, puisque cela permettrait, même avec un plateau Hypercar ultra garni, d’ouvrir les portes encore plus en grand pour les artisans et les privés.
Si on reprend notre plateau de folie imaginé pour 2025, dans le cas le plus extrêmement optimiste avec les différentes rumeurs :
- Deux Toyota
- deux Ferrari
- Deux Peugeot
- Deux Porsche
- Deux Cadillac
- Deux BMW
- Deux Alpine
- Deux Lamborghini
- Deux Isotta Fraschini
- Deux McLaren
- Deux Aston Martin
- Deux Honda
- Une Vanwall
*cette liste ne mentionnant que les hypothétiques programmes d’usine
…et qu’ensuite on y rajoute deux voitures privées par constructeur, hormis Vanwall : cela donnerait un plateau de 50 voitures, histoire d’arrondir. Cela pourrait, nous direz-vous, donner la place à douze GT3. Mais cette catégorie a tellement de succès qu’il serait illogique de lui accorder si peu de tickets.
Donc, le problème des invitations serait vite résolu, en référence au point cité plus haut : les douze place restantes seraient alors accordées à des Hypercar invitées (venues de l’IMSA par exemple) et pourquoi pas à des petits constructeurs, des artisans en somme, qui ne se prépareraient que pour les 24 Heures. Tant qu’à faire, ils auraient leur catégorie dédiée avec un petit trophée à la clé. Que demanderait-le peuple ?
C’est d’ailleurs dans ce cas de figure que des constructeurs comme Glickenhaus, faute de pouvoir raisonnablement lutter avec les grandes marques, pourraient se produire au Mans. Ce serait en guise de belles histoires comme celle de Pescarolo Sport, du temps où un privé allait défier les sacro-saintes Audi.
Quid de l’hydrogène ?
Seront-ce des Hypercar ? Des protos se rapprochant des LMP2 ? Les contours de la future catégorie hydrogène ne sont pas encore totalement établis, mais il est clair qu’il suscite déjà l’intérêt de constructeurs comme Toyota, qui travaille beaucoup dessus.
En tous les cas, les premiers prototypes devraient tourner, dans un premier temps, dans les temps des meilleures GT3.
Toujours est-il que l’arrivée de l’Hydrogène pourrait non seulement grossir les rangs des 24 Heures, mais pourrait aussi nécessiter des nouveaux stands (dans le secteur des esses du karting par exemple). Il faut dire que les Hypercar ne pourront pas se démultiplier à l’infini et que ce contingent de constructeurs peut bouger d’une année à l’autre.
Cela resterait dans la lignée de l’hypothèse concernant des 24 Heures 100 % prototypes. Mais le problème qui se pose, c’est que l’hydrogène va certainement lui aussi accueillir des programmes d’usine dans les années à venir ! Toyota a déjà présenté un prototype et il n’est pas impossible que Peugeot, BMW et Hyundai puissent se lancer dans la partie.
Dans tous les cas, s’ils devaient se concrétiser, l’ACO et le WEC auront du pain sur la planche pour faire en sorte de faire le moins de déçus possible. Mais ce serait comme croire aux poules aux œufs d’or que de penser que tout serait parfait. Ne boudons pas notre plaisir, un âge d’or, ça se déguste sans faim. Et les quelques couacs seraient volontiers pardonnés.