Les femmes dans le sport automobile : une évolution à tous les niveaux
La course automobile a longtemps été perçue comme un bastion masculin. Bien que l'histoire du sport remonte aux environs de 1900, les femmes ont mis du temps à s'imposer derrière le volant et dans les paddocks. Aujourd'hui, la situation évolue, mais le chemin vers une réelle égalité est encore long. Alors, en voiture Simone !


Pendant longtemps, les femmes ont été reléguées à des rôles secondaires dans le sport automobile. Souvent cantonnées à des postes de communication ou réduites à des grid girls (elles ont disparu en 2018 sous l'impulsion de Liberty Media) aux tenues dénudées, elles étaient rarement considérées comme des compétitrices à part entière. Les préjugés sur leur manque de force, de rapidité et d'agressivité ont freiné leur ascension, même si certaines ont réussi à s'imposer.
Malgré les obstacles, des femmes d'exception ont su s'imposer et marquer l'histoire du sport automobile. Michèle Mouton, quadruple vainqueur d'épreuves du Championnat du monde des rallyes, a prouvé qu'une femme pouvait rivaliser avec les meilleurs pilotes masculins. Lella Lombardi reste une figure emblématique, étant la seule femme à avoir marqué des points en Formule 1. Cette prouesse, elle l'a réalisée lors du Grand Prix d'Espagne 1975, une course interrompue suite à un accident. Comme moins de 75% de la distance prévue avait été parcourue, les points ont été divisés par deux, lui accordant ainsi 0,5 point au classement !
Des initiatives pour favoriser l'émergence de nouveaux talents
Conscientes des difficultés à entrer dans le milieu, la Formule 1 et d'autres organismes ont mis en place des initiatives pour encourager la participation des femmes. La F1 Academy, lancée en 2023, dont Susie Wolff est la directrice générale offre aux jeunes pilotes féminines un parcours structuré vers la F1.
Parallèlement, des équipes 100 % féminines comme les Iron Dames participent aux 24 Heures du Mans, prouvant que les femmes ont leur place dans l'endurance. L'avenir des femmes dans le sport automobile semble encourageant. De plus en plus de jeunes femmes bénéficient de bourses et de financements pour poursuivre leur carrière, et des programmes comme la FIA Girls on Track – Rising Stars leur ouvrent les portes des plus grandes compétitions. En France, Doriane Pin suscite l'enthousiasme en participant au championnat WEC et à la F1 Academy.
Michèle Mouton lors d'une interview à la télévision : « C'était ma liberté, mon indépendance. Des valeurs capitales pour moi. »
En 2023, la Fédération française du sport automobile (FFSA) a lancé le programme Sport auto féminin visant à accroître la pratique des femmes dans toutes les disciplines. Ce programme tourne autour de plusieurs axes : la mise en lumière des femmes pilotes dans les compétitions actuelles, une ouverture vers la création de championnats exclusivement féminins ;une communication ciblée pour faire connaitre au public féminin les divers métiers du sport automobile (encadrement, bénévolat, etc.) ;un soutien appuyé à des cheffes de file comme Emma Chalvin, Alizée Pottier (en rallye, via l'ADAC Opel Electric Rally Cup) et Lisa Billard (sur circuit), afin qu'elles insufflent cette passion à de nouvelles pratiquantes. L'ADAC Opel Electric Rally Cup, compétition internationale 100 % électrique, est présentée comme un outil de formation et un tremplin pour les jeunes talents. D'ailleurs, deux jeunes femmes, Sarah Rumeau et Cindy Gudet, étaient également devenues ambassadrices de la FFSA pour cette compétition éléctrique.
Le nombre de licenciées avait progressé de 7 % en 2023. À terme, la FFSA vise une augmentation de la part de femmes dans le sport automobile français. Pour 2024, la fédération a poursuivi son action en vue d'améliorer la présence des femmes dans tous les aspects dans tous les aspects du sport automobile en France.
Il existe aussi des programmes STEM et d'ingénierie.
Le sport automobile ne se résume pas seulement au pilote, mais aussi aux ingénieurs, aux stratèges et aux analystes de données qui sont dans l'ombre des garages. Des programmes comme Girls on track de la FIA, l'Académie d'ingénierie de Motorsport UK et La F1 dans les écoles ouvrent les portes aux jeunes femmes dans les domaines de l'aérodynamique, de l'ingénierie mécanique et de la stratégie de course.
Bourses et financements
La barrière financière est énorme, mais de nouvelles bourses facilitent la compétition pour les femmes, notamment :
- La bourse Ginetta Junior offre une place entièrement financée dans le championnat Ginetta Junior, aidant les jeunes pilotes à faire leurs premiers pas vers la monoplace.
- FIA Girls on Track – Rising Stars est une initiative mondiale qui recherche de jeunes talents féminins et offre un accès à la Ferrari Driver Academy et à la Formule 4. En octobre dernier, le programme avait posé ses valises à Valence, en Espagne.
- F1 Academy – Discover Your Drive propose un programme soutenu par la Formule 1, visant à offrir un financement et des opportunités de carrière aux jeunes femmes dans le sport automobile, de la conduite à l'ingénierie et aux médias.
Quelques chiffres
Avant 2020, seulement 7 à 13 % des participants à tous les niveaux de course étaient des femmes. Mais la tendance est en train de changer. La base féminine de la Formule 1 a connu une croissance progressive. Notamment grâce à la série Netflix Drive to survive.
En 2018, la répartition hommes-femmes était de 72 % d'hommes et 28 % de femmes, et en 2022, ce chiffre est passé à 69 % d'hommes et 31 % de femmes. Ce n'est pas seulement dans la course automobile, mais de plus en plus de femmes accèdent à des postes d'ingénieur, d'aérodynamique et de stratégie de course, les écoles et universités se diversifiant de plus en plus sur ce point, ayant même pour certaines des quotas. Se faire sa place dans le monde du sport automobile coûte des millions, ce qui rend la tâche plus difficile pour les femmes qui ont peut-être les compétences, mais pas l'argent ou le financement.
Identification et adoration
Pendant des décennies, les garçons ont pu admirer Schumacher, Senna, Hamilton et bien d'autres. Mais pour les jeunes filles il n'y a pas beaucoup de femmes héroïnes de course automobile à admirer. Sans modèles, les rêves semblent moins réalisables. Mais aujourd'hui, avec de plus en plus de femmes qui font leurs preuves dans le sport automobile, ce rêve semble plus proche et accessible.
Le sport automobile n'a au départ pas été conçu pour les femmes. Les équipes ont toujours pensé que les femmes n'étaient pas assez fortes, rapides ou agressives. Aujourd'hui encore, les femmes dans ce sport sont davantage surveillées que leurs homologues masculins, à tel point qu'il y a eu plus de femmes qui ont voyagé dans l'espace que de femmes qui ont couru en F1.
Des aménagements prometteurs pour l'avenir des femmes en sport automobile, qui permettront à des talents de grandir et de s'épanouir.
Car, comme le précisait Michèle Mouton lors d'une interview : « J'étais folle de voitures, pour l'amour de la voiture. C'était ma liberté, mon indépendance. Des valeurs capitales pour moi.»
Les femmes (re)connues
- Doriane Pin, qui participera au championnat WEC et à la F1 Academy cette année.
- Susie Wolff, ancienne pilote d'essai Williams F1, aujourd'hui à la tête de la F1 Academy.
- Hannah Schmitz, responsable de la stratégie de course chez Oracle Red Bull Racing.
- Jessica Hawkins, pilote de développement Aston Martin et première femme à piloter une F1 depuis cinq ans.
- Laura Muller, ingénieure de course d'Esteban Ocon chez Haas.
- Marta García, première championne de la Formula 1 Academy, pilotera cette année des GT.
- Abbi Pulling, ex-pilote et championne avec Alpine F1 Academy qui sera cette année en GB3 avec Rodin Racing.
- Emilia Abel, directrice du sport sur route à la FIA.
- Ruth Buscombe a été ingénieure stratège en F1, notamment avec Charles Leclerc à ses débuts. Aujourd'hui, elle est présentatrice sur F1 TV et ambassadrice du programme Girls on Track de la FIA.
Anecdotes
L'expression « En voiture Simone ! », attribuée à la célèbre pilote automobile Simone Louise des Forest. Elle fut popularisée en 1961 par Guy Lux qui parlait à Simone Garnier, une autre animatrice, lors des émissions télévisées Intervilles.
Danica Patrick, pilote reconnue de l'IndyCar et de la NASCAR, a un caractère bien trempé. Un jour, un journaliste lui a demandé si elle portait un casque rose pour qu'on sache que c'était une femme au volant, « Non, c'est pour que les mecs que je dépasse sachent qu'ils viennent de se faire doubler par une fille. » avait-elle répondu.
Jutta Kleinschmidt est la première et unique femme à avoir remporté le Rallye Dakar (en 2001). Mais l'histoire derrière sa victoire est cocasse : quelques années en arrière, elle travaillait pour BMW et avait proposé un projet de rallye au constructeur, qui l'a refusé. Frustrée, elle a acheté une voiture d'occasion et a parié sur elle-même. Quelques années plus tard, elle a gagné le rallye et BMW a fortement regretté son choix !
Quand Michèle Mouton est devenue vice-championne du monde des rallyes en 1982, beaucoup d'hommes avaient du mal à accepter qu'une femme puisse les mettre en échec. Lors d'une course, un journaliste lui a demandé ce qu'elle pensait des pilotes qui disaient ne pas avoir de chance d'être battus par une femme. Elle a répondu : « Ce n'est pas une question de chance, c'est juste une question de talent. »