Pirelli et le problème des 'marbles'

Afin d'assurer le spectacle – et l'incertitude des courses – Pirelli fournit aux écuries des pneus qui se dégradent, volontairement, plus que les gommes fournies par Bridgestone ces dernières années. Cependant, la dégradation plus importante des pneus implique une augmentation tout aussi importante du dépôt de gommes – les fameux 'marbles' - sur la piste, ce qui n'est pas sans poser problème aux pilotes.

Ainsi, après sa sortie de piste spectaculaire en Malaisie, Vitaly Petrov en a-t-il attribué une part de responsabilité à ces 'marbles' déposés par les pilotes sur la piste, tours après tours : « Pour être honnête, je ne sais toujours pas ce qu'il s'est passé » déclare le russe à Autosport. « Ce virage est délicat mais vous n'y prenez pas tous les risques. Il restait deux tours, je savais que Lewis [Hamilton] était derrière moi et je savais que les pneus étaient encore en bon état […]. Je pense que j'ai pris un peu de gommes et dès que ça vous arrive, vous souffrez d'un peu de sous-virage. »

La propreté de la piste est une donnée fondamentale pour la compréhension et le bon déroulement de la course. C'est d’ailleurs pour cette raison que la FIA, avec l’accord des pilotes, a décidé d’inverser l’emplacement de la pole position sur la grille de départ à Sepang, tant la ligne gauche, traditionnellement dévolue au poleman, était sale du fait d’un dépôt de gomme trop important.

Mais de façon plus générale, le simple fait de rouler hors trajectoire est un désavantage qui est connu de tout pilote amateur ou professionnel et l’augmentation du dépôt de gommes en dehors de la trajectoire risque d’aggraver ce phénomène. En février dernier, Sebastian Vettel s’en souciait déjà : « A mi-course, il y en aura tellement que l'aileron arrière ajustable ne vous sera d'aucune aide, parce que lorsque vous serez hors trajectoire vous aurez à freiner plus tôt. »

Paul di Resta a confirmé cette hypothèse du pilote allemand, après sa course en Malaisie : « Il y avait beaucoup de 'marbles', peut-être trop. […] Vers la fin de la course, ça devenait difficile de dépasser ».

Mais un autre problème s'est fait jour ce week-end en Malaisie : « L'autre gros problème c'est qu'au milieu des virages ces morceaux de gomme heurtaient mes mains lorsque je tournais le volant » précise le pilote Force India. « La gomme n'est pas le matériau le plus mou et si vous en recevez au bon endroit, ça peut faire mal. Ça m'est arrivé plusieurs fois ce week-end et lorsque vous entrez dans un virage, la gomme roule sur les pneus et est projetée en l'air »
Les propos du pilote écossais ont d'ailleurs reçu un écho de poids en la personne de Sebastian Vettel, actuel leader du championnat : « Il y a eu un morceau de gomme qui s'est soudainement retrouvé au milieu de ma visière. […] Ce sont comme des projectiles tirés depuis la voiture qui vous précède. »

« Imaginez Singapour ou Monaco, où un fan pourrait tout à coup trouver un morceau de gomme dans son thé » s'inquiète-t-il pour les spectateurs avec le sens de la formule qui est le sien.

Paul Hembery n'a pas souhaité se prononcer avant d'avoir plus de retours de la part des pilotes. Ainsi, avant même que Sebastian Vettel ne s'exprime à ce sujet, le directeur de la compétition chez Pirelli déclarait-il : « Je n'ai pas eu de commentaires de la part des trois pilotes de devant, mais si cela pose vraiment problème, nous devrons y réfléchir » commente Hembery avant d'ajouter : « Les 'marbles' doivent bien aller quelque part. »

Pirelli et la F1 se retrouvent donc face à un dilemme dans la mesure où, susciter plus de spectacle grâce à l'usure programmée des pneus, implique une augmentation significative du dépôt de gomme sur la piste qui pourrait jouer contre les dépassements. « Je n'ai pas une baguette magique, on m'a dit que ça avait été la course la plus excitante depuis longtemps. S'il n'y avait plus de 'marbles', est-ce que ça serait aussi excitant ? » s’interroge Hembery.

Toujours est-il que si le problème ne semble pas encore être trop grave, il pourrait en être autrement lors de la saison européenne où les Formule Un rouleront après des GP2 également équipées de ces gommes Pirelli. Le dépôt de ‘marbles’ risque donc d’être encore plus important et, aussi bien Pirelli que la FIA et les écuries, devront réfléchir aux solutions à y apporter.